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Se vêtir à Caramany avant 1900 - 2ème partie

 

Les tailleurs d'habits 

Le métier de tailleur, lui aussi, est très ancien. En 1588, sous le règne d'Henri III, apparaît la dénomination de « Maître tailleur d'habits » avec pouvoir de faire tous les vêtements d'hommes et de femmes sans aucune exception. Pour porter le titre de maître, il fallait d'abord être confirmé compagnon après trois ans d'apprentissage puis présenter un chef d’œuvre trois ans plus tard.

La présence des tailleurs à Caramany s'est étalée au moins sur trois siècles et comme pour les tisserands, on en trouve un dans le registre paroissial de 1655, preuve, s'il en fallait une, de la complémentarité de ces deux métiers.

Le 10 juillet 1666, Monsieur le curé baptise « Dominique Abadie, fils de Mestre Pierre Abadie, tailleur et de Haularie Bédille 1 ». La mention de son état comme du statut de Mestre sont des preuves de l'importance sociale de cet artisan dans la paroisse.

Les curés suivants n'éprouvant pas à l'instar de maître Lafilhe, le besoin de noter les professions, les archives resteront muettes pendant plusieurs décennies. C'est par un document insolite puisqu'il s'agit du «Registre pour servir à l'enregistrement des cavaliers qui composent le régiment d'Heudicourt » que nous apprenons la présence possible d'un tailleur à Caramaing. Il se nomme Sébastien Chauvet et n'est autre que l'un des fils de Jean-François Chauvet, chirurgien, et de Marie Faure, né le 5 juin 1712. Je doute fort qu'il ait fait carrière au village qu'il a dû quitter jeune. A part sa naissance, il est totalement absent des registres paroissiaux, ce qui montre qu'il n'a pas fondé de famille et jamais été présent à des cérémonies en qualité de témoin, ce qui est étrange pour un représentant des Chauvet. De plus, son enrôlement le 25 juin 1743, donc à 31 ans et pour six ans dans les troupes de Louis XV, montre qu'il avait choisi un autre destin. Tout au plus peut-on déduire de la mention de tailleur 2 qui figure sur son acte d'enrôlement qu'il a peut-être bénéficié autour de ses 18 ans d'un apprentissage, ce qui accréditerait la présence au village d'un maître tailleur vers 1730.

Enrôlement de Sébastien Chauvet

Il faudra ensuite attendre 1762 pour trouver la trace d'un confrère de Pierre Abadie. Il a pour prénom Denis ou Jean Denis (selon les actes) et pour nom Barrière. Entre 1754 et 1762, il quitte son village natal de Rasiguères pour venir s'installer à Caramany, bourg plus important qui lui assurera plus de clientèle. Le 8 novembre 1762, il y épouse Jeanne Bédos qui lui donnera plusieurs enfants. Son fils aîné, Jean Pierre, né en 1764, se formera aux techniques de la coupe et de la couture, travaillera d'abord avec son père puis prendra la suite à son décès en 1786. Père et fils, de par leur métier d’artisan indispensable à la vie de tous les jours et par le fait que Jean Pierre apprend très tôt à lire et à écrire 3, seront ce que l'on appelle alors des notables et participeront en tant que tels à la vie politique de la communauté. Jean Denis en tant que deuxième consul, Jean Pierre après la Révolution, en tant qu'officier public (actuellement on dirait adjoint au maire) ou conseiller municipal pendant de longues années. Il mettra fin à sa vie professionnelle et politique en 1827 à cause de son état de santé, « son grand âge le privant des organes de vision » et décédera en 1829. Son fils Jean Bernard ne reprendra pas le métier.

Décès de Jean Denis Barrière

Si un tailleur suffisait à répondre aux besoins de la population en 1666, ce n'était pas le cas un siècle plus tard car elle avait triplé 4. La corporation s'était donc étoffée, sans mauvais jeu de mots.

Aux côtés de Jean Pierre Barrière, on trouve en 1798 François Fabresse et Antoine Sali.

Du second, nous ne connaissons pas grand chose, il figure sur une liste des chefs de famille imposables, mais hélas il n'apparaît pas sur d'autres documents, contrairement à François Fabresse. Né à Vira, son acte de mariage en date du 18 pluviôse an VI (5 février 1798) rédigé à la mairie de Caramaing précise qu'il est âgé de 22 ans et domicilié dans la commune depuis plusieurs années. De là à penser qu'il est venu adolescent faire son apprentissage chez un tailleur d'habits confirmé, il n'y a qu'un pas.

A partir de 1810, avec l'installation de Martin Lajou, Caramany abritera donc quatre ateliers de tailleurs, jamais la corporation n'aura compté autant de membres. Martin Lajou, contrairement à ses prédécesseurs est un enfant de Caramany, né en 1785 d'une famille de cultivateurs. Il épouse Elisabeth Fourcade le 10 février 1819 et assure son office jusque dans les années 1840.

signature de JP BarrièreFrançois Fabresse décède à 55 ans le 29 octobre 1831, apparemment sans qu'un membre de sa famille lui succède. Mais la relève est assurée par un certain Jean Joulia dit Maurinat. Son acte de mariage en date du 27 novembre 1830 nous apprend qu'il est garçon tailleur. Le 31 octobre 1835, lors de la naissance de sa fille Marie Thérèse, il est désigné pour la première fois comme tailleur. Son père Félix étant un cousin germain de Martin Lajou, on peut tout naturellement penser que c'est ce dernier qui l'a incité à se lancer dans le métier.

Après trois décennies favorables, on note quand même des signes de déclin de l'activité. En 1841 5, on ne recense au village que deux professionnels de cet art, Martin Lajou veuf, vivant avec sa fille Paule et qui décédera en 1849 et Jean Joulia. Ce dernier lors de la naissance de son fils Félix en 1833 n'est pas qualifié de tailleur mais de cultivateur et c'est aussi le cas à son décès en 1871. Cela laisse à penser qu'il a aussi conservé les propriétés familiales pour avoir un supplément de revenus. Il travaille quelque temps avec son fils Paul puis se consacre à l'agriculture. Au recensement de 1856, il a 54 ans, Paul 24 ans. C'est dans la décennie suivante qu'il lâche le métier. Le 10 août 1871, son acte de décès ne le désigne que comme cultivateur.

Paul Joulia prendra donc la suite jusqu'à une cessation d'activités entre 1876 et 1886. Avant de décéder le 28 décembre 1890, il a formé au métier son gendre Pierre Calvet qui avait sûrement quelques connaissances dans le domaine du textile, car son père Antoine était tisserand à Saint-Arnac. Dans les recensements, Pierre Calvet est considéré comme cultivateur, mais dans les années 1900, le commerçant Antoine Molins a ouvert, dans son registre de comptes, une page de crédit au nom de Pierre Calvet, gendre Joulia, tailleur. Tout en cultivant ses terres, il doit donc encore honorer quelques commandes de confection d'habits, mais il faut bien constater qu'à l'aube du XXème siècle, le maintien d'un tailleur au village n'est plus d'actualité. 

Les couturières 

D'abord réservée aux maîtres tailleurs et tailleurs, la confection des habits sera peu à peu revendiquée par les couturières.

Les lettres patentes du 30 mars 1675 publiées sous le règne de Louis XIV, conduisent à cette reconnaissance et à l'autorisation de se constituer en métiers : couturières et lingères. Dans un premier temps, elles n’auront le droit de confectionner que certains habits de femmes, les vêtements d'enfants, la lingerie et les garnitures. La rivalité avec les tailleurs durera tout au long du XVIIIe siècle et ces métiers se développeront réellement au XIXe, la couturière étant alors autorisée à confectionner toutes sortes de vêtements.

Léonie DeloncaPour en trouver une à Caramany, il faut effectivement remonter au 12 février 1830. L'acte de décès du petit François Célestin Vaysse, âgé de 4 ans, indique qu'il est fils de Bernard Vaysse et Jeanne Crambes, couturière.

Il faut toujours avoir en tête que lorsque le secrétaire de mairie mentionne la profession d'une femme autre que ménagère, c'est bien que la personne en question possède des compétences qu'elle met, contre une rétribution, à disposition des quelques familles du village disposant d'une certaine aisance financière. En effet, les familles modestes ne faisaient pas appel à la couturière. Toutes les mères au foyer devaient savoir effectuer des travaux de couture simple et de raccommodage, d'autant plus qu'une Ordonnance royale du 13 juin 1836 avait inscrit les travaux à l'aiguille au nombre des matières à enseigner dans les écoles de filles.

Jeanne Crambes était née en 1799 à Montfort sur Boulzane, (encore une Monfortaise!). En 1819, son acte de mariage fait déjà état de son métier. Elle avait de qui tenir car son père Jacques Crambes, par ailleurs maire de Montfort, était tailleur d'habits. Devenue carmagnole, elle habite le quartier du Torrent. A la naissance de ses enfants, elle est comme toutes les épouses qualifiée de ménagère. C'est après le décès de son mari survenu prématurément à 33 ans, le 31 août 1829 qu'elle passe au statut de chef de ménage et qu'elle retrouve donc mention de sa profession. Elle l'exercera jusque dans les années 1860. Sur les pages du recensement de 1866, elle est simplement mère du chef de ménage.

En supposant qu'elle soit la première, elle n'est pas restée longtemps la seule couturière à Caramany. Les recensements successifs nous révèlent la présence de Catherine Grieu en 1841, d'Aubine Fourcade en 1856 puis de Rosalie Bedos Poubill en 1872, enfin de Marie Saly en 1886.

Originaire de Trévillach, Catherine Grieu est venue, jeune fille, vivre au domicile d’Étienne Vaysse, maçon et d'Angélique Joulia. Elle se marie le 29 janvier 1845 avec Germain Rapidel, marchand de bestiaux habitant auparavant à Vira. Elle décède à Caramany en 1904.

Rosalie Bedos Poubill est l'épouse de Paul Joulia, le dernier tailleur d'habits ; elle doit donc seconder son mari à l'atelier.

Marie Saly, née en 1858 est la fille du maçon Pierre Saly et d'Alexandrine Vaysse qui résident au quartier du Torrent. Elle se marie à 32 ans le 3 août 1890 avec le menuisier Jean Baptiste Charles Sire, venu de Trévillach. Leur union sera hélas très courte, Marie Saly décédant le 24 juillet 1891.

Aubine Fourcade représente un cas à part. Elle est née le 1er mars 1831 de l'union de Gabriel Fourcade, cultivateur et de Jeanne Gillard. Toujours célibataire à 27 ans, vivant seule au quartier du Rebelli en 1856, elle est donc qualifiée de couturière, un métier qu'elle a peut-être choisi sous l'influence de son frère Jean-François et de son cousin germain Jean Gillard, tous deux tisserands. Elle se marie le 7 février 1866 avec Antoine Moulins 6 un retraité militaire de Vinça et le secrétaire de mairie indique alors qu'elle est sans profession. Son mari étant décédé le 14 mars 1871, elle devient chef de ménage avec deux enfants à charge, Antoine et Maximin et il faut donc lui en attribuer une au recensement de 1876 ; c'est celle d'épicière qui est retenue. Mais il est très probable que cette nouvelle activité se soit rajoutée à son travail de couturière pour lequel elle a créé un petit magasin de mercerie. Deux indices m'amènent à cette conclusion : le commerce qu'elle a légué à son fils Antoine et dans lequel elle a travaillé tant que ses forces le lui ont permis, avait pour enseigne Epicerie-Mercerie-Confections. Quant à son petit-fils Gabriel, qui a poursuivi l'activité plusieurs décennies, il avait choisi comme en-tête Tissus – Confection – Alimentation, Maison Antoine Molins fondée en 1854.

Elle a ainsi fait le lien entre l'époque où l'on fabriquait sur place tous les tissus et vêtements nécessaires à la vie de tous les jours et le XXe siècle où il était plus facile avec le développement des routes donc des transports, de se faire livrer toutes sortes de produits mis à la revente.

Les livres de comptes d'Antoine Molins, fils, nous révèlent que deux autres dames peuvent prétendre à ce titre de couturière, même si les recensements ne le leur accordent pas. Après le décès de sa mère en 1900, il sollicite Madame Paul Roger (toujours l'habitude de citer le chef de ménage) qui a pour nom Eugénie Utéza, pour des travaux de couture mais aussi de broderie ; à partir de 1907, il fait plutôt travailler Françoise Sabrazès, épouse Auriol habitant le quartier de l'église. Toutes les deux sont capables de confectionner des vêtements en particulier pour les enfants. Cette activité se poursuivra au village jusque dans les années 1980. Madame Suzanne Jourdain épouse Caillens qui a aussi assuré de 1963 à 1983 la fonction de crieur public, était connue pour son habileté manuelle et se voyait confier de multiples travaux d'aiguille par les habitants. C'était aussi la cas dans une moindre mesure pour Madame Marcelle Bertran. 

en tête de facture

Les métiers en lien avec le linge ou les vêtements 

Le recensement de 1896 fait état pour la première fois d'une repasseuse. Il s'agit de Joséphine Lacourt. Pour l'état civil son prénom est en fait Marie Rose, elle habite au quartier du Torrent avec ses parents, Paul Lacourt cultivateur et Claire Alexandrine Bédos, dite Scholastique. C'est encore une fois parce qu'à 22 ans elle est encore célibataire qu'une profession est indiquée. Elle se marie le 25 mai 1898 avec Jean Michel Benjamin Delonca, barbier de son état. Elle n'est pas la seule repasseuse au village puisque les registres d'Antoine Molins, toujours lui, mentionnent que le linge de la famille est régulièrement confié pour être repassé à Madame Hubert Baptiste, de son nom de naissance Marie Abatut qui habite quartier de l'église.

Un autre métier apparaît autour des années 1900, sans lien avec les vêtements mais en rapport avec le tissage de la toile et l'utilisation de la laine, c'est celui de matelassier. Antoine Molins fait régulièrement fabriquer ou refaire des matelas à Baptiste Fabre uniquement qualifié de cultivateur. Matelassier est donc son activité secondaire. Il habite quartier du Couillet une maison contiguë à celle de la famille Pratx. Et ce n'est peut-être pas un hasard si son savoir-faire sera repris entre les deux guerres mondiales par Albanie Sire, originaire de Bélesta et épouse de Pierre Pratx.

Depuis le Néolithique, on savait filer la laine et les Carmagnols, à côté du lin devaient utiliser cette matière première dont ils disposaient abondamment, si l'on en croit le nombre de bergers retrouvés dans les recensements, pas moins de 14 sur celui de 1856.7

Il n'est donc pas étonnant de tomber au hasard des pages des registres sur le métier de cardeur attribué à plusieurs Carmagnols : un certain Louis Estèbe porte le surnom de cardaïre en 1740 et quelques années plus tard celui de tissié 8, nul doute qu'il était dans l'industrie du vêtement comme l'on dirait de nos jours. En 1824, décède à 34 ans Etienne Delonca dit Peyre, cardeur de son état, et en 1830, Baptiste Delonca dit Peyre a pris la relève. L'activité de cardeur ne devait pas nourrir son homme puisqu'il a aussi été charbonnier ou cultivateur. De nombreuses familles possédant quelques moutons, le cardage de la laine devait être assuré par les mères et les filles au foyer. 

Les commerces de tissus  

Avec la réduction progressive du nombre de tailleurs et leur disparition totale entre 1866 et 1876, avec ensuite l'arrêt des métiers à tisser, les Carmagnols sont passés à l'achat en magasin des tissus mais aussi du prêt à porter. Et les familles ayant l'esprit commerçant l'ont bien compris puisqu'elles ont été plusieurs à se lancer dans cette nouvelle activité. La famille Fourcade-Molins bien sûr, mais aussi la famille Gillard et les familles Asther.

L'ouverture des maisons de commerce carmagnoles a anticipé ces disparitions. La profession de marchand-épicier apparaît pour la première fois dans le recensement de 1856 et concerne Jean Gillard. Cette appellation est très ancienne et date même du Moyen Age, époque où les épiciers vendaient... des épices. A la Révolution, ils sont autorisés à vendre un peu de tout à l’exception des médicaments réservés aux apothicaires et des plantes réservées aux herboristes. A Caramany, où chaque foyer produisait plus ou moins ce qui était nécessaire à sa consommation et où l'on pouvait s'approvisionner en huile, en tissus divers, en vêtements ou en chaussures chez les divers marchands du village, il n’y donc pas eu besoin d'épiciers avant le milieu du XIXe siècle. Ces nouveaux magasins s'ouvrent, comme nous l'avons vu, à l'initiative du tisserand ou de la couturière qui en profitent pour proposer des produits que l'on ne peut cultiver ou fabriquer sur place. Les registres d’Antoine Molins font surtout état d’achat de sucre, de sel, de café, de vermicelles, parfois de chocolat, de savon.9

En 1856 donc, Jean Gillard a 58 ans et son fils Pierre 28. Tout porte à croire que Jean a confié l'atelier de tissage à Pierre, une fois l'apprentissage de celui-ci terminé, et qu'il a créé à côté un commerce. Entre Jean Gillard et Aubine Fourcade qui a ouvert en 1854, d'après son petit-fils Gabriel Molins, un petit magasin de mercerie ou de mercerie-épicerie, il est difficile de dire qui a été le premier à se lancer dans ce nouveau modèle économique.

Il est même possible que l'un ou l'autre ait été influencé par le passage dans les années 1840 d'un marchand-colporteur. C'est la profession donnée à un certain Hermengol Bonaventure Léritjos qui se marie le 8 novembre 1843 avec Paule Lajou, la fille du tailleur Martin Lajou. Un colporteur proposant essentiellement du linge et des articles de mercerie, fils, aiguilles, rubans, boutons, etc, il n'est pas étonnant qu'il rencontre lors de son passage annuel les tailleurs locaux, ce qui lui a permis de faire la connaissance de Paule. Après son mariage et son installation quartier du Rebelli, Hermengol Léritjos garde un statut de marchand et il n'est pas déraisonnable de penser qu'il a donné l'idée à Aubine Fourcade qui s'installe un peu plus tard comme couturière d'ouvrir son petit commerce de mercerie.

D'autres familles vont lui emboîter le pas.

En 1869, sur son acte de mariage avec Henriette Montferrand, Jean Caillens Didon est aussi identifié comme marchand-épicier, mais il ne persistera pas longtemps dans cette voie ; on le retrouve quelques années plus tard barbier ou perruquier, termes désignant une activité de coiffure.

Au recensement de 1876, à côté d'Aubine Fourcade (épicière et non marchande-épicière), est déclaré épicier Aimé Climens. Résidant à Rasiguères, il est venu épouser le 18 janvier de la même année Honorine Gillard, fille de Pierre, décédé en 1874 la même année que son père. Honorine, à peine âgée de 18 ans, et son mari ont donc hérité du commerce Gillard, situé dans le quartier de l'église.

Quelques années auparavant, en 1867, étaient venus s'installer à Caramany, Joseph Asther et Victorine Calvet, domiciliés à Bélesta. Le mari était originaire de Llivia, l'épouse de Saillagouse.

Recensés pour la première fois en 1876, Joseph Asther et son fils Martin sont qualifiés du terme imprécis de marchand. Le couple et ses deux fils, le second s'appelle Louis, logent au quartier du Torrent.

Dans la décennie qui suit Martin Asther se marie avec Anne Françoise Caillens et ouvre son propre magasin quartier du chemin d'Ille. Au recensement de 1886, Caramany est donc doté officiellement de quatre épiceries qui font aussi la vente de tissus. Plus tard Louis Asther, fils cadet, prendra la suite de son père alors que Martin, fils aîné sera secondé par son fils Joseph.

Magasin Molins-SalvatQuant à Antoine Molins fils, il achètera la maison Chauvet, modernisera le premier étage pour créer un magasin avec entrée sur la placette10 et développera le commerce de sa mère Aubine Fourcade en ajoutant à la mercerie et à l'épicerie la vente et l'expédition de vins. Son fils aîné Aubin, qu'il avait commencé à former en l'amenant faire les tournées dans les villages environnants, sera malheureusement tué par un éclat d'obus en décembre 1914. Mais son épouse Anna Sire et deux autres de ses enfants prendront la suite après sa disparition en 1918. Antoinette dans la maison familiale et Gabriel, son cadet, dans l'immeuble situé sur la route départementale, face à la place de la mairie et loué au départ comme bureau de Poste. Marié à Baptistine Salvat, de Lesquerde, il fondera le magasin Molins-Salvat, devenu ensuite « Les Docks méridionaux ». Je me souviens encore de la façade aux deux vitrines et d'une pièce énorme pour mes yeux d'enfant, dans laquelle étaient présentées à droite de l'entrée la partie épicerie et à gauche la partie textile ; on y trouvait des vêtements de travail pour hommes et femmes, des sous vêtements et d'immenses rouleaux de tissus vendus à la découpe pour confectionner habits, tabliers, linge de maison, mouchoirs.... Les ménagères pouvaient aussi passer commande de pelotes de laine pour tricoter lors des longues soirées d'hiver pulls, gants et bonnets pour leurs enfants. Dans les années 1960 le couple Molins-Salvat a été le dernier à assurer le commerce de tissus à Caramany et cette activité s'est éteinte avec la fermeture de leur magasin. Les grandes surfaces pointaient déjà le bout de leur nez attirant les urbains comme les ruraux vers d'autres formes de consommation. 

Notes :

  1. Ce patronyme est inconnu, mais il n'est pas certain, le curé Lafilhe ayant une écriture très difficile.
  2.  Cela suppose d'interpréter tailleur comme tailleur d'habits. Pour les tailleurs de pierre, il est beaucoup plus rare que cela ne soit pas précisé. Il est à noter que, conformément aux habitudes de l'époque, Sébastien Chauvet dispose d'un surnom, Latour, en référence certainement à la paroisse d'origine de son père, et qu'une fois de plus le préposé aux écritures n'a pas su écrire le nom de notre village. Le soldat est dit « natif de Carement, juridiction de Saint Paul de Fenouillet, évêché dAllet, province de Languedoc ».
  3.  Jean Pierre Barrière signe dès l'âge de 13 ans les registres paroissiaux en tant que témoin. Il recevra en 1825 les hommages du Conseil municipal. Relire les années en 7 – 1827 page 3, rubrique Histoire
  4.  30 feux en 1594 et 96 en 1789.
  5.  « Le recensement de 1841 est le premier fondé sur le principe du domicile ; on recense la population communale à un jour de référence et on distingue la population non domiciliée et les catégories comptées à part (casernes, couvents...) ». Wikipédia.
  6.  Le patronyme est bien orthographié Moulins; il deviendra très vite Molins.
  7.  Bien sûr, il n'y avait pas 14 troupeaux à Caramany. Sont déclarés "berger" dix jeunes gens, garçons ou filles âgés de plus de 13 ans qui devaient s'occuper des quelques bêtes de leurs parents.
  8. En occitan, tisserand s'écrit teissier.
  9.  Voir Les achats des Carmagnols, le coût de la vie – 2013, rubrique Anecdotes page 3
  10.  Le petit perron aménagé devant l'entrée du magasin porte toujours ses initiales A.M. 

Annexe :

La liste des témoins retenus pour le mariage de Joseph Caillens et Marie Delonca, célébré en mairie le 26 novembre 1822, illustre bien la complémentarité des métiers de l'habillement avec celui de cordonnier. On peut en effet lire que la cérémonie se fait « en présence des sieurs François Bertrand, propriétaire, 32 ans, Bernard Vaysse, cordonnier, 24 ans, Jean Pierre Barrière, tailleur d'habits, 52 ans, Pierre Rolland, tisserand à lin, 26 ans, ...».

Il m'a donc semblé nécessaire de présenter, même si elle est certainement incomplète, la liste de ces artisans de la chaussure, établie d'après leur présence sur les différents registres paroissiaux et d'état-civil. 

Prénom nom

Présent sur les registres en ...

Naissance-décès

remarques

Pierre Trousseu (probable)

1644

 

Surnommé « le sabatié »

Antoine Bergeau

1730

 

Cordonnier itinérant du diocèse de Clermont en Auvergne

Paul Grazelle

1732 -1736

1698 - 1748

Originaire de Cucugnan, époux de Jeanne Chauvet

Jean Grazelle

1783

1754 -1788

Petit-fils de Paul se marie en 1783.

Jean Cor

1787-1789-1791- 1808

1757 - ?

Garçon cordonnier en 1783, se marie avec Charlotte Géli en 1787.

Dominique Richard

À partir de1791

1767-1847

 

Jean Fontanel

1798

 

 

Jean-Baptiste Marie

1806 -1807

 

Originaire de Trévillach, se marie avec Anne Ribes en 1805, décède en 1807 ;

Bernard Bonaventure Vaysse

1819-1822-1825

1797 -1829

Fils de Cyr Vaysse, maire et officier de santé

Barthélémy Richard

 

1809 - 1885

Fils de Dominique Richard

Joseph Richard

À partir de1860

1833 -1911

Fils de Barthélémy Richard

Jean Saly

1850 - 1860

Né vers 1823

 

Joseph Foussat

1850-1860-1862

1824 - 1893

Il formait des apprentis : Joseph Duchand (22 ans) en 1866, Jean Colomer (13 ans) en 1876.

François Gateu

1856

Né vers 1837

 

Jean Gély dit Christol

1865

 

 

François Raymond Foussat

À partir de1876

1856 -1919

Fils de Joseph Foussat, se marie en 1878 avec Marie-Sophie Lacourt.

Théophile Foussat

Recens. 1906

 

Fils de François (18 ans) sûrement en apprentissage

Jules Barilles

Recens. 1876

Né vers 1857

Sûrement garçon cordonnier

Augustin Bonaventure

 

Recens. 1886

1894

 

L'Annuaire du commerce le désigne comme marchand de chaussures ; il est devenu ensuite facteur rural

Asther

1912

 

Nommé dans l'Annuaire du commerce

Joseph Pons

1921-1927-1936

Né en 1885 en Espagne

Marié le 23 mai 1913

Jean Marceau Estève

 

1909-1993

Deviendra secrétaire de mairie pendant la 2ème guerre mondiale

Norbert Delonca

Vers 1930

1910 - 1978

Fabricant d'espadrilles

 

 

  • Sources écrites :
  • livre de comptes d'Antoine Molins mis gracieusement à notre disposition par madame Michèle Barbet à qui nous adressons tous nos remerciements.
  • sources orales :
  • Entretiens avec Mesdames Francine et Roselyne Dimon (souvenirs d'Antoinette Molins) et Monsieur René Grieu, (les métiers à Caramany dans les années 1930)
  • sources numériques :
  • https://www.ledepartement66.fr/lesarchivesenligne Archives départementales des PO

Photos :

miniature: blason des tailleurs d'habits - wikipédia

1 page du registre d'enregistrement du régiment d'Heudicourt portant la mention de Sébastien Chauvet

2 acte de décès de Jean Denis Barrière, second consul et tailleur; son fils Jean Pierre, tailleur également, a signé "barryere"- registre paroissial 1737-1792, archives départementales

3 signature de Jean Pierre Barrière, officier municipal,  aux côtés de celles de Charles Chauvet, maire, de Jean Damien Montferrand, notable (et curé) et Gély officier municipal. Il a modifié sa signature par rapport à l'acte de 1786 en rajoutant la majuscule et en remplaçant y par i. - registre de délibérations, archives municipales

4 Léonie Delonca, née Marty occupée à ses travaux de couture devant sa maison de la rue du chemin d'Ille, autrefois Grand rue - cliché Thierry Daudigny

5 le papier à en-tête du commerce Gabriel Molins intitulé "Tissus-Confection-Aimentation"

6 Le magasin Molins-Salvat avec devant la porte Baptistine Salvat.  - archives personnelles