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Randonnée pédestre N°2: Les mines de fer et la tour de Trémoine

Notre première randonnée pédestre nous a permis de souligner l’importance de l’irrigation dans l’économie agricole locale, en tant que moyen permettant d’assurer une relative indépendance alimentaire et une source de revenus aux habitants des lieux. En outre, nous y avons également découvert les vestiges d’une activité d’élevage dont les capitelles sont les témoins et qui s’inscrit dans l’environnement agricole traditionnel, au même titre que la vigne, qui n’a jamais cessé d’y être cultivée depuis l’époque gallo-romaine. Ce n’est qu’au XIXème siècle que la vigne fera l’objet d’une culture intensive, caractérisée par une importante reconquête des sols. Les moindres parcelles cultivables furent exploitées. Une bonne part des murets en espaliers qui modèlent notre paysage rural actuel, par la succession de leurs strates horizontales aux flancs de nos coteaux les plus abrupts, datent de cette époque.

Cette seconde randonnée s’articule autour d’une thématique dissociée du domaine agricole ou pastoral, en ce qu’elle nous fait découvrir les traces d’une d’activité industrielle aujourd’hui disparue.

Vers le milieu du XIXème siècle, les richesses géologiques de la vallée de l’Agly furent mises à contribution pour accompagner l’essor industriel qui s’amorçait, marqué par la construction massive de machines à vapeur, bateaux (l’acier remplaçait le bois), armements lourds, voies ferrées, etc. L’industrie alors florissante engloutissait d’énormes volumes de minerai de fer servant à l'élaboration de l’acier. On notera que cette production nécessitait à elle seule davantage d’énergie que l’on ne pouvait en produire (la France n’a  jamais connu d’autosuffisance en matière de combustibles). En 1860, alors qu'on vient à peine de découvrir les premiers gisements de pétrole en Amérique, le charbon affiche encore sa suprématie dans l'industrie et demeure la principale ressource énergétique. Sa pénurie conduit à l’exploitation de nombreux gisements d’énergie fossile sur notre territoire. Dans ce même temps, la production d’acier affiche une croissance sans précédent. Doublant de volume à chaque décennie entre 1900 et 1930, elle doit être soutenue par un apport conséquent de minerai. C’est ainsi que les ingénieurs des mines se mettent à prospecter et à recenser activement les ressources minérales de notre territoire et de ses colonies. Les gisements de minerai de fer déjà connus, comme ceux de la vallée de l’Agly, qui donnaient parfois lieu à de petites exploitations proches de l’artisanat, se retrouvèrent dans le giron de groupes industriels disposant de moyens significatifs pour leur permettre d’implanter des infrastructures d’extraction intensive. Ce fut en particulier le cas pour celles de Planèzes ou de Lesquerde.

Notre promenade va nous permettre de croiser divers vestiges de ce nouvel « âge du fer » qui, bien que n’ayant duré à peine quelques décennies a marqué à jamais notre région. La tour de Trémoine, qui domine une bonne partie de notre parcours, nous rappelant par sa présence que l’histoire, cette fois séculaire, ne se limite pas à la mémoire des hommes mais plutôt aux traces que nous laissent leurs passages. Ainsi, campée sur son promontoire aride et rocailleux, cette tour défie les époques et nous abandonne à notre condition. Il parait même que lorsque le vent marin ou la Tramontane caressent ses vieilles pierres, elle émet comme un murmure continu qui semble nous dire, non sans un brin d’ironie, que quoique nous fassions, nous ne serons jamais ici que de passage.

Le parcours d'environ 6 km que nous allons aborder a une durée indicative de 3 heures.

Ancienne route d'accès à la minePoint 1 (alt. 150m): Le point de départ se fait depuis le petit parking situé un peu au dessus de la cave coopérative viticole de Planèzes.

Nous pouvons y garer nos véhicules avant de prendre le chemin en léger surplomb. On le suit jusqu’à une première épingle qui tourne vers la gauche, située à environ deux cent mètres du point de départ. A ce niveau, on doit continuer droit devant nous en  longeant quelques vignes en léger contrebas sur notre droite puis, à mi côte, apparait une lande peu dense que l’on traverse sans aucune difficulté en suivant notre voie jusqu’au point 2 situé à environ un kilomètre du point de départ.

Point 2 (alt. 286m) : Ce point marque l’intersection de deux chemins à partir de laquelle nous amorcerons notre retour. Mais, dans un premier temps nous allons nous rapprocher de la masse rocheuse qui apparait en face de nous, bordée par une ancienne route empierrée dont on notera les murs de soutènement construits en pierre sèche. Ce passage est un des premiers vestiges visibles de l’exploitation minière, il permettait un accès au site.

Après avoir longé ce chemin rocailleux sur environ 300 mètres, on dépasse l’éperon rocheux et on amorce un virage vers la droite.

On découvre alors une vaste vue sur la tour de Trémoine avec l’incontournable chaine des Corbières qui dessine sa sombre crête en arrière-plan. Nous continuons d’avancer sur ce chemin envahi par la végétation et que des éboulements successifs commencent à obstruer. On progresse environ de 150 mètres pour arriver à proximité d’un trou béant et profond qui ressemble à un effondrement et qui s’ouvre sur notre droite contre la falaise à quelques mètres du chemin.  Attention de ne pas trop s’en approcher car une chute pourrait s’avérer très dangereuse.

Une cinquantaine de mètres plus loin apparait également à quelques pas sur notre droite, l’entrée d’une galerie d’extraction qui s’enfonce perpendiculairement dans la montagne.

Entrée de la galeriePoint 3 : (alt. 266m) Si nous continuons encore à longer le chemin sur quelques dizaines de mètres, nous découvrirons les murs démolis d’anciennes constructions qui devaient être utilisées par les ouvriers de la mine.

Pour continuer notre circuit, nous devons désormais rebrousser chemin jusqu’au point 2.

Mettons à profit ce retour sur nos pas pour faire un aparté et évoquer succinctement quelques éléments d’histoire concernant les mines de l’Agly:

J’ai trouvé leur trace dans un journal périodique intitulé « Echos des Mines et de la Métallurgie » :
Dans une parution du 27 juin 1907 qui fait état de découvertes de gisements de Bauxite, l’ingénieur des mines de Prades, Ch.Helson écrit :

« C’est probablement l’absence de moyens de communication qui a empêché jusqu’à ce jour la prospection de cette contrée et principalement de la vallée de l’Agly réputée aujourd’hui très minéralisée. C’est depuis son ouverture que nous avons ouvert aussi au sud des communes de Saint-Paul et de Maury, les exploitations minières d’Ansignan, Saint Martin, Saint Arnac et Lesquerde. Les dites exploitations fournissant le plus beau et plus riche minerai de fer oligiste rencontré à ce jour dans les Pyrénées Orientales » (Source 1)

Le même Echo des mines fait état en novembre 1908,d’une demande de concession pour l’exploitation du fer à Rasiguères et à Planèzes. Cette demande sera refusée.

Toujours l’Echo des mines, en date du 06 octobre 1910, nous apprend que le minerai des exploitations du bassin de l’Agly se vend 11 francs la tonne, prix sensiblement inférieur à celui pratiqué pour le minerai extrait sur d'autres sites des Pyrénées-Orientales. Il n'est cependant fait aucune mention de la mine de Planèzes.

Ainsi, les premières exploitations industrielles du bassin minier de l’Agly, datent du début du siècle dernier. Les exploitations antérieures demeuraient anecdotiques. Leur production n’excédait guère la dizaine de tonnes par jour. Elle se heurtait par ailleurs à des problèmes d’acheminement, dus à l’éloignement du réseau ferroviaire. On sait que le minerai extrait de la mine de Planèzes fut transporté jusqu’à la gare de Rivesaltes à l’aide de tombereaux et d’attelages de trois chevaux de trait.
Vers 1901 s’achève le tronçon de la ligne de chemin de fer qui relie Rivesaltes à Saint-Paul de Fenouillet, autorisant véritablement l’exploitation des ressources minières du bassin de l’Agly.

Augustin Gély-Comte (1887-1975) cultivateur à Caramany, aimait à raconter à son arrière-petite-fille Martine, qu’il se souvenait que de jeunes vignerons Carmagnols, probablement réduits à une extrême pauvreté à cause du Phylloxéra, n’avaient d’autres ressources pour améliorer leur maigre quotidien que de partir à pied avant le lever du jour pour rejoindre Estagel et travailler comme tâcherons sur le chantier de cette voie ferrée.

 

En juin 1912, on retrouve dans « l’Annuaire des mines et minerais métalliques de France et d’Algérie », publié en 1919 par Auguste Pawlowski, un article qui fait état de la création d'une société "Mines de l'Agly" où apparaissent enfin les noms de Planèzes et de Rasiguères. ( source 2)

En mars 1913 cette même « Société anonyme des Mines de l’Agly » effectue avec succès une demande de concession pour l’exploitation du gisement de Planèzes et Rasiguères. La concession sera délivrée trois ans plus tard, en pleine guerre de 1914-1918, par le Ministère des Travaux Publics.

En 1916 commence la production de la mine de Planèzes. L’infrastructure d’exploitation était constituée d’une trémie, située au-dessous de la galerie d’extraction, à partir de laquelle partait un câble d’acier de 4000 m de long traversant deux postes secondaires. Ce câble était soutenu au long de son parcours à travers la montagne, par une trentaine de pylônes en bois dont certains dépassaient 20 mètres de hauteur. Ce câble convoyait de petites bennes métalliques, espacées entre elles d’une centaine de mètres. Ces bennes qui transportaient chacune 350 kg de minerai, progressaient à une vitesse légèrement inférieure à 4 km/h. L’ensemble mu par une machine à vapeur avait cependant la capacité d’acheminer chaque jour plus d’une centaine de tonnes de minerai vers le portique de chargement, situé sur la voie ferrée entre Estagel et Maury.

En 1928 l’Echo des mines publie un article récapitulatif sur les exploitations pyrénéennes.  On peut y lire, à propos de celles de l’Agly, que seules deux concessions sur un total de neuf demeuraient encore actives en 1927 : Lesquerde et  Planèzes. ( source 3)

Un dernier article de cette revue fait une synthèse dans laquelle on apprend que des travaux de prospection furent également conduits, sans résultat probant, sur les communes voisines de Montalba et de St Arnac.
A son apogée, la mine de Planèzes employait une vingtaine de personnes, pour l’essentiel il s'agissait d'étrangers qui vivant avec leur famille, représentaient prés d’un tiers de la population du village. En 1928, la mine produisait 11347 tonnes de minerai, constitué essentiellement d’hématite et d’oligiste. Elle fut exploitée jusqu’à l’épuisement de son gisement jusqu'en 1931. La totalité du matériel fut ensuite démonté et revendu par adjudication.

NB : Pour plus de plus amples détails et une présentation de plans et documents d'époque relatifs à cette exploitation, je ne saurais trop vous conseiller de visiter l’excellent site du village de Planèzes à la rubrique « les mines »
Lien : http://planezes66.free.fr/

Nous voici désormais de retour au point 2, nous pouvons reprendre le cours de notre randonnée.

Il faut à ce stade  emprunter le chemin qui part sur notre droite en délaissant celui par lequel nous sommes arrivés. On le suit durant environ 500 mètres pour contourner la petite colline qui nous fait face en direction du Sud. Ensuite, une descente s’amorcera à travers un chemin de vignes.

Vestige de l'exploitationPoint 4 (alt. 226 m). Arrivés à ce point, on change de direction pour bifurquer sur la droite et emprunter le chemin qui trace une diagonale descendante entre deux vignes. Après avoir parcouru un peu moins de 200 mètres, on délaisse ce chemin au niveau du premier virage qui part à 90° vers la gauche et on emprunte la portion qui continue devant nous, direction Ouest. Le chemin devenu plat durant quelques dizaines de mètres recommence à descendre et nous conduit au point 5 après une succession de petites épingles. Avant d’arriver à ce point on prendra soin de regarder en direction du nord pour apercevoir au pied de la pente qui nous fait face, une bâtisse (point 6 du plan)  qui ressemble fort à une structure de trémie désossée, qui pourrait avoir servi au chargement à des bennes de transport du minerai.

Point 5 (alt. 148m). Nous traversons ici le ruisseau de Trémoine, très souvent à sec, mais dont les dépots apparents nous indiquent qu'il peut être sujet à de subits et violents changements de débit, comme c'est le cas pour de nombreux "recs" de notre région d'apparence inoffensive mais qui peuvent s'avérer dévastateurs lors de violents orages.
Tour de trémoineSi nous marchons autour de cette zone, sur un périmètre d’une centaine de mètres, on découvrira inévitablement de nombreuses traces de constructions qui, elles aussi, appartenaient à la mine. On peut également en profiter pour jeter un œil au dessus de nous et apercevoir la tour de Trémoine (point 7 du plan).

Cette tour, située sur l’actuelle commune de Rasiguères a donné son nom à la cave des vignerons de ce village. Son histoire débute au XIème siècle, à l’époque Carolingienne. La tour est alors entourée d’un premier mur d’enceinte assez grossier et de même facture.

Aujourd’hui on s’interroge toujours  sur cet édifice : est-il un ancien château-fort marquant la frontière des Gaules ou un édifice qui aurait servi de tour à signaux ou encore une ferme fortifiée, comme pourrait le laisser supposer le périmètre délimité par le second mur d’enceinte aux contours asymétriques et dont l’édification daterait du XIIIème siècle. On ne saurait être catégorique sur ces points, sachant que cette bâtisse aurait tout à fait pu remplir successivement toutes ces fonctions.

Le bord de l'AglyA partir du point 5, nous continuons notre chemin sur environ 150 mètres pour arriver dans une zone alluvionnaire sablonneuse qui borde le ruisseau. A partir de là nous amorçons une montée. Bientôt nous laissons sur notre gauche un petit ravin broussailleux et deux cent mètres plus loin, nous arrivons sur une zone dégagée et un chemin carrossable que nous allons emprunter pour descendre en pente douce jusqu’à l’entrée du village de Rasiguères (point 8). Nous traversons le village et empruntons la route goudronnée droit devant nous. Aussitôt après le premier virage à gauche (point 9), nous quittons la route pour emprunter le chemin qui se dirige vers les rives de l’Agly. Nous empruntons un sentier bordé sur sa droite par une haie de roseaux et sur la gauche, par une vigne qui s’étire sur environ 300 mètres, jusqu’à ce que nous arrivions sur une petite route. Nous la suivons sur quelques mètres et, sans franchir le pont, nous descendons sur la gauche pour rejoindre la rive en aval.

Point 10 (alt. 110 m) : On peut alors se rapprocher du fleuve qui coule à quelques mètres de là et découvrir une zone tranquille bordée de rochers aux formes douces.
Au printemps ou en été, si on prend soin de s’approcher silencieusement, on ne manquera pas d’apercevoir dans ces eaux et limpides, les ombres de quelques barbeaux, carpes ou chevesnes qui peuplent l’endroit.

l'église Saint PierreDe retour sur le chemin, nous longeons encore la rive gauche sur environ 200 mètres et nous bifurquons sur notre gauche pour emprunter le petit sentier pentu qui conduit jusqu’au village de Planèzes. Après avoir longé quelques étroites ruelles, nous pouvons rejoindre la route qui conduit à la cave coopérative d’où nous sommes partis.

Point 11 (alt. 149 m) Avant de rejoindre les véhicules, nous faisons un détour  jusqu’à l’église romane Saint Pierre, répertoriée depuis le début du XIIème siècle dans la possession de l’Abbaye de Lagrasse, alors prospère et dont les possessions s’étendaient jusqu’en Espagne.


Photos: Philippe Garcelon.

Sources: