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Les curés de Caramany

 Sachant que la tenue obligatoire des registres de baptêmes date de 1539 1 et celle des registres de mariages et de sépultures de 1579 2, c'est une chance pour Caramany d'avoir conservé des archives remontant à l'année 1655. Beaucoup de paroisses ne disposent en effet de ces sources exceptionnelles pour qui veut connaître l'histoire de son village, qu'à partir de 1737. Cette année là, à la suite de la Déclaration royale3 du 9 avril 1736, la double tenue des registres a été généralisée et les curés ont mis en place les nouvelles procédures sous le contrôle administratif des sénéchaussées.

Le registre de 1737

C'est la fréquentation soutenue des actes rédigés par les curés de Caramany qui m'a donné l'idée d'essayer d'établir leur liste, sachant que par manque de documents dans les premiers siècles de l'existence de la paroisse, elle a de grandes chances de rester incomplète.

Mais les curés ne sont pas les seuls représentants du clergé. A son échelle de village relativement important pour les époques passées, on retrouve à Caramany la trace de plusieurs personnages gravitant autour de l'église : les vicaires, les clercs, les étudiants ou escoliers, les enfants de chœur et les marguilliers. C'est tout ce petit monde que je vous propose de rencontrer, sans oublier les prêtres des paroisses voisines venus en remplacement, les évêques accueillis dans le cadre de leurs tournées épiscopales mais aussi les fidèles qui savent signer et sur lesquels s'appuient les prêtres pour trouver des témoins. 

Quelques définitions :

 Les prêtres peuvent être nommés soit recteur ou curé, c'est à dire titulaire de la cure, soit vicaire.

Le vicaire aide et remplace le curé en son absence.

Est clerc celui qui a reçu la tonsure conférée par l'évêque généralement lors d'une tournée pastorale. C'est le passage obligé vers l'ordination. Le clerc n'est pas autorisé à célébrer le saint sacrifice ni à distribuer les sacrements. Il peut recevoir les ordres mineurs, donc être promu lecteur ou acolyte, c'est à dire qu'il s'occupera des cierges, de l'encensoir, du vin et de l'eau, et servira les ordres majeurs, diacres et prêtres à l'autel.

Dans le dictionnaire de l'Académie française, un escolier est celui qui apprend quelque chose sous l'autorité d'un Maistre. On peut penser que le curé pouvait simplement enseigner la lecture et l'écriture à des garçons dont il avait repéré l'intelligence, mais sûrement avec l'intention de les faire entrer dans les ordres.

Les marguilliers sont des paroissiens élus par leurs pairs pour gérer les comptes de la Fabrique.

Il est temps maintenant de nous plonger dans les registres. A noter que dans les citations et les noms propres, l'orthographe employée par les ecclésiastiques est respectée. Pour en faciliter la lecture, les majuscules et la ponctuation ont été rajoutées selon la norme actuelle.

 Pierre Réal a t-il été le premier curé de Caramany ? 

Les restes de la première égliseLes fouilles archéologiques réalisées dans l'emprise du barrage et tout dernièrement sur la zone de la future base nautique, ont prouvé l'existence du village primitif de Caramany sur le site actuel de l'Horto et son occupation pendant une période allant du VIIIe au XIIIe siècle. Une première église à l'emplacement actuel du cimetière a permis la transformation de cette communauté villageoise en paroisse. Et justement, à la fin de cette période, un acte de l'année 1259 nous apprend l'existence d'un prêtre. Il s'agit de "Petrus Regalis capellani de Caramanio" qui rédige le 3 juillet une reconnaissance de Béranger du Vivier faite à l'archevêque de Narbonne pour les dîmes de Sainte Marie de Felluns4. Pierre Réal, c'est ainsi que l'on peut traduire son nom en français, a t-il été le premier curé de Caramany ? Impossible de l'affirmer pour le moment ; de la même manière, il n'est pas possible non plus de nommer ses successeurs qui n'ont pas laissé de traces dans l'histoire. 

Un grand vide 

Peu de documents subsistent pour la période allant de 1259 à 1655. C'est d'autant plus dommage que c'est dans ce grand intervalle de temps qu'une nouvelle église est construite au pied du château. Il faut imaginer un édifice beaucoup plus bas et certainement moins long que l'édifice actuel, sans clocher ou avec un petit clocher mur. Difficile en l'état actuel de nos connaissances de dire si cette construction date du début du XVe siècle, comme cela est écrit parfois, ou si elle est plus tardive, XVIIe par exemple. Et dans ce cas là, les objets les plus anciens que sont les fonts baptismaux et la croix processionnelle du XVe siècle proviendraient de l' église primitive.

Les archives départementales détiennent un écrit qui évoque un vol, en 1451, dans l'église Saint Etienne5. Mais laquelle, Horto ou Grand rocher ? Les archives municipales, elles, possèdent une copie réalisée à la Révolution d'une reconnaissance de propriété seigneuriale de 1594. Elle cite le baile et les consuls mais hélas, n'évoque ni l'église, ni le curé.

D'autre part, l'existence d'une chapelle accolée au rempart Nord du château est attestée, sans qu'il soit possible d'en connaître pour le moment l'origine. Pourquoi et comment ces lieux de culte ont-ils cohabité ? La chapelle pourrait-elle dater de l'époque où l'église Saint-Étienne se trouvait encore à l'Horto ou a t-elle été rajoutée, lors de l'un des agrandissements du château ou de l'installation d'une nouvelle famille seigneuriale, comme ce fut le cas en 1716 avec l'arrivée de la famille De Roger ? Autant de questions qui trouveront peut-être un jour leur réponse. 

La paroisse est-elle vraiment abandonnée ? 

« Moi, Jean Burgat, prêtre et recteur d'Ansignan ayant esté commis par permission de Monseigneur l’Évêque et la dite paroisse estant abandonnée... » Voilà l'expression quelque peu surprenante que l'on trouve, en 1654, dans le registre d'Ansignan à propos de l'église Saint Étienne de Carmain (sic). Et là aussi cette information découverte récemment ouvre la voie à deux hypothèses. Soit, pour des raisons graves, on pense aux guerres de religion qui ont causé la destruction de nombreux monuments dans la région, la paroisse de Caramaing s'est retrouvée à un moment donné sans église donc sans curé et sans registre, soit le terme d'abandonnée  doit se comprendre comme démunie momentanément de curé, car il est difficile de penser que la paroisse de Caramaing, par ailleurs bien plus importante que celles qui lui sont limitrophes, soit laissée sans pasteur.

Ce qui est sûr c'est que le curé d'Ansignan n'a eu en charge les âmes de notre village que trois mois, d'octobre à décembre. Durant ce laps de temps il a, ce qui n'est pas normal, rédigé les actes sur son propre registre. N'a t-il pas trouvé les registres sur place ? C'est une possibilité qui justifierait quelque peu l'emploi de l'adjectif abandonnée.

D'autre part, il a préparé pour le 27 septembre un acte de mariage qu'il n'a jamais terminé puisque la place des mariés est laissée en blanc, mais dans lequel il précise que les annonces réglementaires ont été faites lors de la messe durant trois dimanches consécutifs par maître Jean Pras, prêtre et bénéficiaire de Saint-Paul.

Il semble donc qu'en cette année 1654 au moins, la cure de Caramaing soit vacante et que le chapitre de Saint-Paul pallie à cette absence, en attendant la nomination d'un curé pour le 1er janvier 1655. 

1655 : Le premier registre conservé 

Les traces de la chapelleCe registre, le plus ancien qui soit archivé, s'ouvre le 17 janvier sur l'acte de baptême d'Anne Laporte. Cet acte est signé par Lafilhe, prêtre, qui vient donc de prendre ses fonctions.

Ce nouveau recteur de Caramaing, comme il se nomme de suite, a environ 33 ans, ce n'est donc pas sa première cure. Nous connaissons deux des marguilliers qui l'accompagneront dans sa mission. Il s'agit en 1668, de Sabastia Richard et Léonard Ramond. Il formera un élève, François Fabre (mentionné en 1667) et aura l'honneur d'accueillir dans son église trois évêques. Le célèbre Nicolas Pavillon effectuera plusieurs visites épiscopales à Caramaing, le 2 novembre 1666, les 28 février 1668, le 22 février 1671, le 21 mai 1672 et le 9 novembre 1674. Monseigneur Louis-Alphonse de Valbelle viendra le 27 avril 1681, de même que Monseigneur Victor-Augustin de Méliand le 7 mai 1688. Ces visites sont l'occasion de célébrer une grand messe au cours de laquelle sont confirmés les jeunes gens de la paroisse, avec parfois comme c'est le cas, ce 7 mai, ceux d'Ansignan.

Monsieur le curé Lafilhe, de son prénom Guillaume décède, après un long sacerdoce au service des Carmagnols le 17 janvier 1692. Il est âgé d'environ 70 ans et sera inhumé dans la nef de son église paroissiale par son homologue de Trilla, Jean Chaluleau qui prendra la suite en mai de la même année. Pendant cet intérim de quelques semaines les actes sont rédigés ou recopiés par Jean Chaluleau car l'écriture reste la même, mais signés par un prêtre dénommé Vernat, certainement détaché de Latour de France puisqu'il apparaît dans les registres de cette paroisse en tant que vicaire. Elus en 1691, les deux marguilliers François Fauré et Pierre Fossat n'auront pas une fin de mandat facile. Ils devront apporter leur contribution aux obsèques de leur vieux curé, participer à quelques mois de transition et aider à l'installation de leur nouveau pasteur Jean Chaluleau. Ce dernier qui était curé de Trilla depuis au moins l'an 1677 6 arrive donc à Caramaing en mai 1692. Il signe son premier acte le 24 mai alors que le 4, c'est le vicaire Vernat qui signait. Jean Chaluleau a donc dû prendre ses fonctions par une messe solennelle soit le 15 mai, dimanche de pentecôte, soit le 22, fête de la Trinité, date où il était justement coutume de renouveler les marguilliers. Son village natal est Fourtou dans l'Aude. Il n'emploie jamais le terme de recteur mais toujours celui de curé et ne pourra exercer son ministère que sept ans. Mais ce court passage marquera les registres de son empreinte car il nous livre dans ses actes de décès en particulier, de nombreux détails sur les événements qui surviennent dans la paroisse7.

Il semble avoir tenté d'éveiller la vocation de Martin Larrieu de la famille du chirurgien du village, mais peut-être sans trop de succès. Martin Larrieu, qui sait signer, figure comme témoin le 7 août 1697 avec le titre "d'escolier" au mariage de Jean Barrière et Catherine Fage. Il signe encore comme témoin à deux autres mariages le 11 septembre et le 20 novembre mais le titre d'escolier n'est pas repris. Sa signature apparaît encore une fois le 1er avril 1698 lors du baptême de Martin Raymond mais cela est dû au fait qu'il est le parrain. Il disparaît ensuite des registres ce qui laisse à penser qu'il a quitté Caramany pour donner suite à sa formation religieuse... ou pas.

Le curé avait aussi en charge l'éducation chrétienne des enfants et la plupart des petits garçons devaient servir la messe en tant qu'enfant de choeur. Nous en connaissons au moins un, Louis Larrieu, fils du chirurgien, qui s'éteindra à l'âge de 12 ans. Dans la rédaction un peu confuse et toute personnelle de son acte de décès faite par Jean Chaluleau, on ressent la tristesse et l'affection : « L'an de grace mil six cens quatre vingts seize Et le Cinquième Jour du mois de may, Je soussigné curé de Caramaing, ay enseveli Louis Larrieu âgé de douze ans ou environ, mort le jour précédent, n'ayant pu lui administrer les sacrements a cause qu'on n'a pas eu le temps, n'estant malade que d'une Incomodité qui luy ostait de temps en temps la respiration ; Et Il m'avait servy la messe le jour auparavant ; dans le cimetière de la paroisse. En foy de ce Jay signé. »

Jean Chaluleau est rappelé à Dieu au mois d’août 1699, à l'âge de 55 ans. Contrairement à son prédécesseur, il ne sera pas inhumé dans l'église, mais « au pied de la croix du milieu du cimetière ». On peut logiquement supposer que c'est à sa demande, peut-être pour être au milieu de ses paroissiens. L'année précédente, le 26 septembre 1698, il avait eu l'honneur d'accueillir dans son église Monseigneur Victor-Augustin de Méliand dans le cadre d'une tournée épiscopale.

La cure de Caramaing va rester orpheline quelque temps. De septembre à décembre 1699, les actes sont signés "Alaux curé de Trilla servant Caramain"

De 1700 à 1731 

La croix de 1702Avec l'année nouvelle arrive un vicaire dont on trouve aussi la trace dans les registres de Latour de France en 1678. Le 3 janvier, il rédige un acte de décès qu'il signe « Dany prêtre et vicaire de Caramaing ». L'évêché n'a donc pas nommé encore le titulaire de la cure. Et en effet, dès le 29 février, l'écriture change et la signature indique Contier prêtre et curé. De mars à août, les actes sont signés soit par Dany, vicaire, soit par Contier, curé. Et comme ces actes font apparaître la présence d'un clerc nommé Gabriel Vigou, il y avait donc pour une paroisse d'environ 230 âmes trois ecclésiastiques sur place.

La situation ne devait guère convenir pour des raisons que le registre paroissial n'indique pas, mais dès le mois de septembre arrive un nouveau curé Charles Fabre. Il fera rapidement connaissance avec les deux deux marguilliers alors en charge de l'église, Estienne Joulia et Pierre Fossat.

Comme l'abbé François Bria que nous retrouverons un siècle plus tard, Charles Fabre exercera sa responsabilité sacerdotale en deux temps. D'abord de son arrivée jusqu'à la fin de l'année 1715. Avec le changement de siècle, les visites épiscopales s'espacent mais c'est quand même dans ce laps de temps qu'il aura le privilège d'accueillir son évêque. Le 7 mai 1706, Monseigneur Charles Nicolas Taffoureau de Fontaine célébrera la messe à Caramany et signera les registres sous le nom de Charles Nicolas d'Alet ; il en avait tout à fait le droit puisque en prenant la tête du diocèse, l'évêque prenait en même temps le titre de comte d'Alet. Les premières années, notre nouveau curé fait signer ses actes par son neveu Jean-François Fabre qu'il a sûrement emmené dans ses bagages et Jean François Chauvet, le jeune chirurgien du village qu'il vient de marier. A t-il ensuite été nommé ailleurs ou lui est-il arrivé un événement fâcheux ? Le registre paroissial permet toutes les hypothèses car il révèle par quelques indices une situation que l'on peut qualifier de flottement. Le premier acte de l'année 1716 est rédigé, le 27 janvier, par Jean Molenat, prêtre et recteur de Bélesta. Et il précise comme cela se fait entre curés de paroisses voisines qui se rendent des services qu’il agit en l'absence de monsieur Fabre. Le 4 février nouvel acte à la réquisition de « Mr Fabre recteur de Caramaing ». En ce début d'année, Charles Fabre semble donc être toujours titulaire de la cure mais une absence de plusieurs semaines semble quand même anormale pour l'époque, à moins que ce ne soit pour maladie. Son remplacement est officialisé à partir du 1er mars ; en effet, le 2, Jean Molenat procède à l'inhumation de Raymond Julia en l'absence de Mr le recteur de Caramaing et le 6 mars il baptise Juanne Anne Fage « en l'absence de Maître Joseph Molenat recteur de Caramaing ».

De toute évidence, suite à l'absence forcée ou non de Charles Fabre, l’évêché a nommé un nouveau recteur qui semble être un parent proche du curé de Bélesta. En 1710, ce nouveau recteur était déjà prêtre et officiait à Cassagnes en qualité de vicaire.

Joseph Molenat arrive à Caramaing à la fin du mois de mars 1716 puisque le 27, il rédige l'acte de baptême de Jean Michel Laforgue tout en précisant que c'est Jean Molenat qui a procédé à la cérémonie. Cela nous laisse à penser que les deux prêtres étaient présents et qu'ils ont peut-être effectué un sorte de passation ce jour là.

Maître Joseph Molenat occupera ses fonctions jusqu'en 1723 au plus tard jusqu'au mois de septembre. En effet, dès le 25 mai on retrouve sur le registre l’écriture de Charles Fabre qui signe quelque temps en tant que prêtre vicaire et puis le 12 septembre en tant que prêtre recteur.

Un acte de maître Fabre

Il exercera ensuite son ministère jusqu'en 1731, rédigera encore quelques actes en 1731 et 1732 en tant qu'ancien recteur de Caramaing et décédera, muni de tous les sacrements, vraisemblablement le 6 décembre 1735 puisque son acte d'inhumation daté du 7, précise qu'il était âgé de 83 ans et qu'il a été lui aussi enseveli dans son église. 

La famille Cuguillière (1731-1785) 

L'écriture fine et difficile à lire de Pierre Cuguillière apparaît sur le registre le 8 avril 1731. Le 1er du même mois Charles Fabre signait encore prêtre recteur, mais la nomination ne semble faire aucun doute puisque maître Cuguillière signe, lui, prêtre curé. Devant l'âge avancé de son prédécesseur, il vient de prendre en mains les destinées de la cure. Son premier acte est un acte de baptême, celui de Joseph Fages, fils de Dominique Fages et Louise Richard.

Le nouveau curé possède de solides attaches familiales et peut-être ses racines à Limoux, comme le montrent les actes de mariage de ses nièces venues résider à Caramany vers 1750 apparemment après la mort de leurs parents. Il pratiquera son ministère durant 31 ans et décédera au village en 1763.

En 1737, avec un mois et demi de retard, c'est lui qui devra appliquer la réforme de tenue des nouveaux registres, décidée par le roi. Il reçoit pour cela deux exemplaires ouverts par un représentant de l'autorité royale, comme l'atteste la mention suivante : « Le présent registre contenant six feuilles papier timbré a été par Nous, Nicolas Journeais Pinels, avocat au parlement, exerçant la justice au siège royal de Caudiès, soussigné, côté et parrafé par première et dernière pour servir à l'enregistrement des baptêmes, mariages et mortuaires de la paroisse de Caramaing qui se fairont la présente année suivant le désir de la déclaration du Roy du 9è avril 1736. Fait au dit Caudiès le quinzième février mil sept cent trente sept. » (document 1)

Depuis le début de l'année 1737, un baptême (13 janvier) un décès (23 janvier) et un mariage (6 février) avaient été portés sur le vieux registre, le nouveau n'étant certainement pas arrivé. Ils sont signés par un certain Anglade prêtre sur lequel on ne trouve aucune information.

A partir d'octobre 1740, le curé Cuguillière dispose d'un vicaire qui se nomme Delonca. Deux prêtres à Caramany, peut-être la conséquence de l'augmentation de la population que la paroisse connaît au XVIIIe siècle. Une hypothèse sur laquelle il faut rester prudent car le vicaire ne fera qu'un bref passage. Il disparaît après avoir écrit un acte en mai 1741.

Cette même année, le nom de Joseph Foussat figure dans plusieurs actes comme témoin. Mais il ne signe pas. Le 22 juin 1741 est portée pour la première fois la mention clerc. Il est encore très présent en 1752, mais une seule fois en 1753 lors du baptême d'un parent, Jean François Foussat, puis il n'apparaît plus.

En 1747, nouvelle modification. Les curés doivent séparer les sépultures (appellation qui remplace les mortuaires) des actes de baptême et de mariage. En 1750, progrès oblige, le paragraphe ouvrant chaque registre est imprimé. Il suffit d'ajouter le nom de la paroisse, l'année et la signature qui est désormais celle du Président et juge mage, lieutenant général en la sénéchaussée et siège présidial de Limoux.

Parmi les nombreux actes de baptême rédigés par maître Cuguillière, celui du 20 septembre 1750 est particulier. Pour baptiser Jean Capdeville, il a laissé sa place à son homologue de Trilla, maître Clesri, car la famille a souhaité qu'il soit le parrain, et c'est cette inscription qui nous donne son prénom Pierre. Non content d'avoir le prêtre du village pour parrain, le petit Jean aura pour marraine demoiselle Jeanne Françoise de Caramaing, héritière de Pierre Jean de Roger de Caramaing, en son vivant seigneur de Caramaing et autres lieux. Et comme pour beaucoup de mariages deux des rares paroissiens sachant signer ont été sollicités comme témoins, il s'agit des sieurs Estienne Chauvet qui a pris la succession de son père comme chirurgien, et de Gabriel Calvet fermier du dit lieu, c'est à dire détenant un bail à ferme pour gérer la seigneurie.

Un acte de maître Cuguillière

A l'occasion, maître Cuguillière disposait aussi comme témoin patenté de Jean Surre et d'un nommé Joulia dont il ne précise pas les métiers. Cinq ou six lettrés pour un village de 250 habitants, ce n'était pas si mal. Dès 1757 et peut-être avant il dispose d'un clerc issu de sa famille, Antoine Cuguillère. Ce dernier assiste en qualité de témoin et avec le titre de clerc tonsuré à la rédaction par le notaire royal de Latour, maître Gironne, du testament de Jean Bedos, paroissien et premier consul.

Le 31 mai 1758, le curé de Caramaing marie pour la deuxième fois sa nièce Marianne. Parmi les témoins figure encore "Antoine Cuguillière, diacre du diocèse de Narbonne résidant au dit Caramaing". Le 6 juin 1760, il est à nouveau présent au mariage de Jean-Baptiste Chauvet et de demoiselle Catherine Fabre de Limoux et signe "Cuguillière prêtre" .

Notre curé est très proche de la famille de son frère Jean-Pierre décédé, dont les filles Marianne, Anne et Elisabeth ont tenu à être mariés par lui en l'église saint Etienne. Antoine est aussi l'un de ses neveux, de même que Bertran et Jean qui résident au village pour des périodes plus ou moins longues. Il est à noter qu'ils maîtrisent tous l'écriture, y compris Marianne.

C'était aussi un curé qui n'hésitait pas à se créer des revenus autres que ceux liés à ses fonctions. En 1759, devant maître Pepratx de Caudiès de Fenouillèdes, il signe un acte pour prendre à ferme un champ, une vigne et des olivettes appartenant à l'une de ses paroissiennes, Anne Surre

Maître Pierre Cuguillière rédige son dernier acte le 17 juin 1762. Ensuite, l'écriture sur le registre change. Elle est toujours aussi fine, un peu moins difficile à déchiffrer mais les actes sont toujours signés Cuguillière. Il semble donc qu'Antoine ait pris la succession de son oncle Pierre, celui-ci étant dans l'incapacité de poursuivre son sacerdoce.

Et effectivement le registre des sépultures de l'année 1763 s'ouvre de la manière suivante :

« L'an 1763 et le 10 du mois de janvier est décédé maître Pierre Cuguillère8, recteur de Caramaing, muni de tous les sacrements et a été inhumé dans l'église du dit lieu le 11 ème du dit. Présents à ce Pierre Jaubail et Jean-Baptiste Chauvet qui ont signé avec moy en foy de ce » et c'est signé Cuguillère prêtre et vicaire en chef 9. Ce titre s'explique par le fait qu'il prendra ses fonctions officiellement devant notaire le 9 avril, car en plus droits de la cure, son oncle lui laissait des biens. Ce qui est étrange c'est qu'en 1762, il signait avec le titre de  recteur. Avait-il un peu anticipé ?

Le deuxième représentant de la famille Cuguillière est resté le pasteur des Carmagnols pendant 23 ans. Il a eu lui aussi des témoins attitrés, Vaysse, en 1763 et 1764, Jean-Baptiste Chauvet à partir de 1765, qui de sa belle écriture signe des pages entières, Géli à partir de 1769 qui écrira ensuite Gély, En 1772, il sollicitera surtout Pierre Olivier, receveur des fermes du Roy en poste à Caramaing qui vient de perdre son épouse ; enfin, en 1773 apparaît la signature de Joseph Grand qui va devenir secrétaire greffier avant la Révolution puis secrétaire de mairie de nombreuses communes, puisqu'on retrouve son écriture sur les registres de Caramany, Ansignan, Trilla, Lansac.

Il a également formé un clerc, Pierre Alquier du Vivier venu habiter à Caramaing avec ses parents Joseph et Anne et qui hélas décède à 23 ans le 9 octobre 1770. Monsieur le curé le qualifie de clerc tonsuré, ce qui lui vaut d'être inhumé dans l'église comme tous les ecclésiastiques.

Antoine Cuguillère "alité et dans l'incapacité d'écrire à cause d'une maladie" dicte son testament au notaire Lacombe de Saint-Paul le 8 octobre 1784. Malgré la maladie, il a rempli ses fonctions jusqu'au bout, assurant les cérémonies jusqu'au 17 mai 1785, jour où il marie jean-Pierre Bedos et Françoise Pujol. Le 23 juin, il ne doit plus être en capacité d'assurer son service ni de signer puisque les obsèques de Jean Foussat sont assurés par le curé de Cassagnes, l'abbé Pagès.

Le 29 juin, c'est maître Chamayou, le curé de Montalba qui procède à son inhumation en présence des curés de Latour de France, Bélesta, Ansignan et Cassagnes, venus accompagner leur confrère à sa dernière demeure. Il précise que le défunt, âgé de 55 ans était muni de tous les sacrements, mais n'indique pas si la sépulture a eu lieu dans l'église ou dans le cimetière. Dans son testament, Antoine Cuguillère a demandé que soient dites 150 messes basses payées 10 sols chacune.

Le 25 juillet, moins d'un mois après son décès, le notaire Peprax de Caudiès de Fenouillèdes que la famille Cuguillère connaissait bien, rédige trois actes à l'initiative de Jean Cuguillère, son frère et héritier habitant la ville de Limoux. Le premier concerne la vente du moulin à huile de la Sale à Jacques Rougé et Pierre Vignaud pour la somme de 1 100 livres. Les deux autres permettent de solder des legs inscrits dans le testament de maître Pierre Cuguillière, qui n'avaient donc pas été honorés depuis son décès en 1763. Bertrand Cuguillère, frère et procureur fondé de Jean remet donc devant notaire la somme de 50 livres aux marguilliers Cyr Vaisse et Jean Rolland pour l'oeuvre de la paroisse; il remet ensuite à maître Jean Damien Montferrand, nouveau curé et à Jean Denis Barrière, consul et tailleur d'habits une somme de 500 livres pour les pauvres de Caramaing.  Ce sera l'un des sujets de conflit entre ce curé et les municipalités qui vont se succéder pendant son sacerdoce.

(à suivre) 

Notes :

  1. C'est la fameuse ordonnance de Villers-Cotterets promulguée par François 1er.
  2. Ordonnance de Blois promulguée par Henri III
  3.  Nous sommes sous le règne de Louis XV (1715 – 1774)
  4. Histoire du Languedoc volume VII de Dom Vic et Dom Vaissette
  5.  Caramany – restauration des toitures de l'église saint Étienne – CAUE décembre 2018
  6.  Il est cité en tant que tel cette année là sur le registre d'Ansignan.
  7. Voir dans cette rubrique : les actes singuliers du curé Chaluleau
  8.  Antoine qui pourtant signait Cuguillière en 1759 et 1760 écrira désormais Cuguillère, le deuxième i s'étant perdu.
  9. Contrairement à ce qui est écrit les témoins n'ont pas signé. Ce qui conforte la supposition d'une pratique courante qui s'est poursuivie plus tard sur les registres d'état-civil. Le curé, puis le secrétaire de mairie, mentionnaient des témoins sachant signer même s'ils n'étaient pas là. Ces personnes venaient de temps en temps signer les registres, les signatures exactement identiques parfois sur deux à trois pages successives semblent le prouver. Et bien sûr cette pratique pouvait occasionner des oublis ce qui semble être le cas de la page sépultures 1763. 

Sources :

Les sources seront mentionnées à la fin de cette étude.

Photos :

miniature: La croix latine qui protège le cimetière - B. Caillens

1: La première page du registre de 1737 qui applique les nouvelles directives royales. Archives départementales

2: Des modillons, pierres de l'église primitive, réemployées dans le mur est du cimetière. B. Caillens

3: Le mur du fond de la chapelle du château accolée au rempart nord. On y distingue le départ du toit en voûte. B. Caillens

4: La croix du cimetière qui date de 1702 juste après l'arrivée du curé Fabre dans la paroisse. P. Garcelon

5: Un acte de baptême du curé Fabre suivi de la signature de Nicolas d'Alet qui atteste de sa visite épiscopale. Archives départementales

6: L'acte de baptême de 1750 rédigé par maître Pierre Cuguillière. Archives départementales