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Le "buthus occitanus" ou scorpion languedocien

 Depuis plus de trente années que je connais Caramany, j’assiste à des discussions au cours desquelles s’affrontent ceux qui revendiquent des origines occitanes au village et ceux qui soutiennent qu’elles sont catalanes. Généralement, chacun reste sur sa position et les arguments historiques, comme la signature du traité de Corbeil, ne parviennent pas à trancher l’épineuse question.

 Heureusement, tout s’arrange lorsque les escargots commencent à chanter sur la braise et qu’il est temps de passer aux choses sérieuses. L’aïoli copieusement étalé sur une tranche de pain, accompagné d'un verre de « Presbytère » de la cave de Caramany, fait des miracles. Ici, une « cargolade »  réconcilierait les pires ennemis.

Sans vouloir ajouter à cet éternel sujet de polémique, j’ai envisagé la question sous un autre angle. En effet,  le « scorpion jaune », qui peuple les alentours de notre village, porte le nom latin de « buthus occitanus ». Je me suis mis à penser que si nous étions véritablement en territoire catalan, cet arthropode porterait le nom de « buthus catalanus ». Or, il n’en est rien. Un ami bienveillant a même suggéré le nom de Buthus "occicatalanus" pour mettre tout le monde d'accord... mais rien n'y fait et je me risque à affronter de nouveau quelques remarques acerbes. Tant pis, cette fois ce sera  des « costeilles » grillées qui finiront par nous imposer une nouvelle trève.

Buthus occitanus

Buthus occitanus

Préoccupons nous véritablement du « buthus ». Son nom est une contraction du latin qui signifie : bœuf + tuer (1) . Cet arthropode nommé aussi scorpion languedocien a élu domicile sur le pourtour méditerranéen, comme l’indique la carte ci-dessous. habitat du scorpion languedocien

Même si cela peut ne pas sembler évident, lorsqu'on l'observe, le scorpion fait partie de la classe des arachnides, tout comme les araignées.

Dans le monde, on en dénombre plus de 1500 espèces, divisées en huit familles principales. Certaines d’entre elles, comme les « buthidae » (dont fait partie le scorpion languedocien qui n'est toutefois pas mortel) sont considérées comme dangereuses.

Le scorpion languedocien peut atteindre une taille de sept centimètres de long. Il appartient à la plus grande des cinq espèces qu'on rencontre dans le midi.

Son habitat est situé principalement dans les zones arides et les terrains chauds, caractérisés par une végétation pauvre et clairsemée. On peut également le trouver dans des endoits pierreux, commes les anciennes carrières ou les zones de rejets de résidus d'exploitations minières, nombreuses dans notre région.

 Il vit généralement sous des pierres où il creuse un terrier ( ci-dessous) qui lui permet de se mettre à l’abri des prédateurs, mais également du froid ou des fortes chaleurs estivales. Scorpion languedocien devant son terrier

On commence à le voir en activité à l’extérieur vers le mois d’avril, lorsque les températures sont supérieures à 10°C. Cette activité, principalement nocturne, commence peu avant le coucher du soleil.

 Le régime alimentaire du scorpion languedocien est essentiellement constitué d’insectes et d’arachnides, y compris de ses congénères, ce qui  fait de lui un cannibale !  Lorsqu’il manque des proies, il est capable de jeûner durant de très longues périodes pouvant dépasser une dizaine de mois.

Ses principaux prédateurs sont les rapaces nocturnes, mais il arrive que quelques mammifères, comme le hérisson ou même le sanglier, ne le dédaignent pas.

Maupertuis étudie le scorpion.

 Bien que connu depuis l’Antiquité, ce scorpion fut répertorié et ainsi nommé par Pierre Joseph Amoreux, en 1789.

Mais c’est Pierre de Maupertuis, le célèbre mathématicien, philosophe, astronome et naturaliste du siècle des Lumières qui l’étudia le premier en détail. Les travaux que mena ce dernier portent, entre autres, sur les effets de son venin.

Les extraits ci-dessous montrent que les progrès de la science ne s’embarrassaient pas de considérations à l’égard des animaux (l’influence de René Descartes qui, un siècle avant considérait les animaux comme des machines, se faisait encore sentir au XVIIIème siècle).

 Le scorpion est économe, il n’utilise son venin qu’en cas d’attaque d’un prédateur ou lorsqu’il rencontre une proie récalcitrante.

Dictionnaire d'histoire naturelle Valmont bomare (extrait)

 On attribuait des vertus au venin de scorpion, ce qui lui permettait d’entrer dans les pratiques usages médicaux, comme en atteste le second extrait ci-dessous.

Dictionnaire d'histoire naturelle Valmont-bomare (extrait)

Reproduction du scorpion languedocien

spermatophore d'un scorpion La reproduction  commence par la fécondation de la femelle que le mâle trouve au hasard de ses pérégrinations. Une sorte de danse nuptiale a alors lieu au cours de laquelle le mâle se met à trembler par saccades et à se déplacer par petits mouvements d’avant en arrière. Durant cette phase, le mâle inspecte le sol et trouve l’endroit propice pour y déposer le spermatophore, petite enveloppe contenant son sperme (image ci-contre). Il saisit alors la femelle avec ses pinces et la tire vers lui afin que le spermatophore entre en contact avec les parties génitales de cette dernière. Lorsqu’elle est fécondée, la femelle quitte le mâle. Il lui arrive parfois de le piquer à mort et de s'en repaitre, si ce dernier n'a pas eu la présence d'esprit de fuir rapidement sa partenaire.

Cette dernière portera ses œufs un peu plus d’une année avant que naisse sa progéniture qui compte d’une trentaine à une soixantaine d'individus. Ces jeunes scorpions sortis de l'oeuf demeurent sur le dos de leur mère durant une période qui peut durer d’une à quatre semaines.

 L’évolution du scorpion languedocien est marquée par une succession de six mues qui s’étalent sur une période d’environ trente mois avant qu’il ne soit en état de se reproduire.

 Une espèce menacée

 Le buthus occitanus est une espèce en régression qui est protégée. Sa situation devient critique dans notre département. Comme je ne cesse de l’évoquer dans nombre de mes articles, c’est encore une fois l’activité de l’homme qui est en cause. Ainsi le retournement des sols dans le cadre d’accroissement de zones d’agriculture, les plantations d’arbres qui empêchent le soleil d’atteindre le sol, l’urbanisation galopante, sont autant de facteurs hostiles à la survie du scorpion.

 

 

Notes

  1. « Faune de France »  Perrier R. 1968 fascicule II p12 éditeur Delagrave

Sources

 

Photos : Philippe Garcelon, (excepté spermatophore: John Bookma)

Liens utiles: ONEM. http://www.onem-france.org/scorpion/wakka.php?wiki=ButhusPresentation