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La Fabrique de 1700 à 1736 (première partie)

 Le plus ancien registre paroissial conservé aux archives départementales sous l'appellation BMS (1655-1737) ne contient pas uniquement des actes de baptêmes, mariages et sépultures, comme l'on disait alors.

Par un hasard que l'on peut qualifier de heureux, on y trouve aussi les comptes de la fabrique de l'église Saint Étienne sur une période de trente cinq ans qui correspond exactement à la présence du curé Charles Fabre dans notre paroisse. 

Charles Fabre, recteur de Caramaing 

Les fonts baptismauxIl arrive au village en septembre 1700; il est déjà âgé de 48 ans, Caramany n’est donc pas son premier poste. Il en sera curé d'abord jusqu'à la fin de l'année 1715, puis de 1723 à 1731, année où sera nommé son successeur Pierre Cuguillière. Il décide alors de rester vivre au village puisqu'il rédigera encore quelques actes en 1731 et 1732 en tant qu' "ancien recteur de Caramaing" et décèdera, muni de tous les sacrements, vraisemblablement le 6 décembre 1735, son acte d'inhumation étant daté du 7. Peut-être à cause de son âge, 83 ans, et du fait qu'il soit retiré de toute vie sacerdotale, ses obsèques se feront dans la simplicité : pas de prêtres des villages voisins pour l'accompagner comme cela se faisait couramment, pas de mention spéciale ou de croix sur son acte de sépulture. Il aura quand même le privilège d'être inhumé dans son église.1

Son écriture nous le fait apparaître comme un homme appliqué, c'est l'une des plus faciles à lire sur le registre, soucieux de la précision et certainement de faire les choses dans les règles. C'est donc tout naturellement qu'il a dû souhaiter dès son arrivée faire fonctionner l’œuvre de la fabrique selon la réglementation en vigueur. Ses confrères n'avaient peut être pas le même intérêt que lui pour la comptabilité. Cette supposition s'appuie sur plusieurs constats : d'abord, lors de ses années d'absence (1716-1723) et après sa mise à la retraite, on note moins de détails dans les écritures2 ; ensuite en 1733 et 1734, son successeur, maître Cuguillière lui a encore permis de tenir les cahiers de dépenses et de recettes et enfin les archives de la fabrique avant son arrivée et après son décès n'ont pas été conservées avec le même soin puisqu'elles ne sont pas parvenues jusqu'à nous. 

Mais qu'est ce qu'une fabrique ? 

La fabrique désigne la communauté de fidèles chargée d'assurer l'entretien de l'église ainsi que de procurer au desservant les ornements sacerdotaux, le luminaire3, le pain et le vin de messe. Son origine est très ancienne; les premières fabriques connues en France sont attestées au XIII ème siècle dans le diocèse de Besançon. La fabrique est administrée par un Conseil qui élit ou nomme des marguilliers. A Caramany, ils sont au nombre de deux et sont nommés pour un an. Un décret du concile de Vienne (1311-1312) interdit que le curé soit membre de la fabrique, mais on se doute bien, surtout dans les petites paroisses, que son influence est primordiale. En plus d'être des pratiquants en qui il a confiance, les marguilliers doivent être "des hommes solvables et de probité" car ils sont responsables de leur gestion sur leur propre fortune. Toutes les familles ne pourront donc prétendre à occuper cette fonction. Ils sont dans l'obligation de tenir des registres de comptes et de disposer d'une armoire ou d'un coffre pour enfermer les fonds. Au moins dès le XVII ème siècle, des prescriptions imposent qu'ils sachent lire et écrire, mais c'était bien sûr loin d'être possible partout. Ils doivent au moins posséder un minimum d'instruction et d'autorité morale, car il faut être capable d’assumer un certain nombre de tâches vis à vis des paroissiens, comme celles d’assurer les quêtes, impulser les dons et faire respecter le règlement de l’œuvre. Nous verrons un peu plus loin que registres et coffre ont bien existé dans notre paroisse, mais au moins en ce qui concernait les registres, Charles Fabre s'occupait de tout. Il est à noter que les deux personnes identifiées comme sachant lire et écrire à son arrivée4 n'ont jamais fait partie de la liste des marguilliers.

Enfin, la reddition des comptes et la remise du coffre, se font à l'issue de la messe d’une grande fête. Le dimanche le plus souvent retenu par les Carmagnols a été celui de la Sainte Trinité5, en mai ou juin.

Les fabriques survivront à la Révolution et ne disparaîtront qu'en 1905 avec la loi de séparation de l’Église et de l’État. 

La comptabilité est annuelle. 

Elle se présente sous la forme de deux liasses, l'une pour les dépenses et l'autre pour les recettes. La première porte un titre : « Livre de la dépense que font les marguilliers de l’œuvre de Caramaing, commencé en 1701. » La deuxième n'en comporte pas, par contre on y trouve, comme dans tout bon compte rendu de réunion, la date et les présents lors du renouvellement annuel. La formule est toujours la suivante :

La passation de pouvoir

« L'an 1702 et le onzième de juin, dimanche avant le corpus6, ont été nommés marguiliers7 de l’œuvre de Caramaing Pierre Viguier et Jean Laforgue entre les mains desquels Étiene Bichère et Raymond Joulia devant eux ont remis et laissé dans le coffre la somme de trente cinq livres en présence de moy soussigné. Fabre Curé »

Tous les marguilliers sur cette période sont donc connus. 

Les marguilliers de l’œuvre de Caramaing

L'orthographe du document a été conservée.

Les premiers marguilliers dont nous connaissons le nom sont Sabastia Richard et Léonard Ramon en 1668. François Faure et Pierre Fossat furent désignés en 1692.

D'autre part, Pierre Bedos figure en tant que témoin et avec le titre de marguillé sur un acte de mariage daté du 13 mai 1700. Il a donc été nommé en 1699.

1700 ; Etiene Joulia et Pierre Fossat

1701 : Estiene Bichère et Raymond Joulia

1702 : Pierre Viguier et Jean Laforgue

1703 : Dominique Richard et Michel Laforgue

1704 : Baltazar Rollan et Joseph Fossat

1705 : Philip Bertran et Etiene Joulia

1706 : Jean Bedos dit peyrot et Philip Moné

1707 : Pierre Biguier et Jean Pierre Bedos dit père

1708 : Louis Bedos et Jean Calvet jeune

1709 : Jean Laforgue et Jean Rollan

1710 : Jean Calvet et Estiene Bichère

1711 : François Sournia et Dominique Joulia

1712 : Sébastien Laforgue et Baltazar Rollan

1713 : Jean Laporte et Julien Laforgue

1714 : Raymond Joulia et Germain Bedos

1715 : Michel Laforgue et Philip Bertran

1716 : Jean Peyrot Bedos et Pierre Bissière*

1717 : Jean Calbet* et Dominique Joulia

1718 : Martin Roulan* et Jean Rabaute

1719 : Estiene Joulia dit fusteret et Jean Roulan*

1720 : Jean Alquier et Pierre Bedos

1721 : Michel Laforgue et Michel Calbet*

1722 : Julien Laforgue et Jean Benet

1723 : Joseph Fossat vieux et Pierre Bichère

1724 : Jean Pierre Bedos et Joseph Fossat jeune

1725 : Dominique Joulia et Jean Bedos dit père, fils de Pierre

1726 : Michel Calvet et Martin Rollan

1727 : Jean Alquier et Mathieu Joulia

1728 : Jean Calvet et Louis Bedos, père

1729 : Jean Bedos Peyrot et Pierre Bertran

1730 : Jean Benet et Pierre Bichère

1731 : Baltazar Rollan et Etienne Ensali

1732 : Jean Bedos père et Joseph Fossat jeune

1733 : Michel Calvet et Dominique Bedos

1734 : Paul Graselle et Pierre Bichère

1735 : Jean Alquier et Jean Calvet

1736 : Mathieu Joulia et Guilhaume Gatteu

  • C'est la période de l'abbé Molenat. Il est de ceux qui font peu attention à l'orthographe des noms et se fient à la prononciation ; Calvet devient donc Calbet et Rollan devient Roulan. Bizarrement pour Bichère, il fait l'inverse et écrit Bissière. 

Les dépenses de l’œuvre 

La première page

Les dépenses habituelles concernent en grande partie le luminaire avec l'achat de cire et d'huile.

Dans une église avec très peu d'ouvertures, les vitraux n'étaient pas encore en place, on s'éclairait à l'aide de lampes à huile auxquelles on rajoutait surtout lors des grandes fêtes des chandelles et des cierges. Les marguilliers de Caramany achetaient tous les ans de la cire jaune et de la cire blanche et même en 1723 une livre de bougie rousse. On retrouve l'achat d'encens à plusieurs reprises.

A titre d'exemple, voici le livre des dépenses pour l'année 1701.

Les unités de monnaie utilisées étaient la livre, le sol et le denier. Une livre valait 20 sols et un sol valait 12 deniers. La livre en tant que monnaie ne doit pas être confondue avec la livre, unité de masse qui, en Languedoc, correspond à 408,97g. 

« Ont dépensé les marguiliers de la p(rése)nte année 1701

  • pour le luminaire de l'octave du corpus de cire blanche trois livres 3L 18s od

  • plus pour de chandelles de cire jaune le 20 août 1L 3s

  • plus le 24 août pour d'huile 3L 4s

  • plus pour de lancens 0L 3s 4d

  • plus le 1er 8bre8 pr des chandelles de cire jaune vint deux sols 1L 2s

  • le 9 8bre8 pour un carton d'huile trois livres et demi 3L 10s

  • le 26 9bre8 pour demi dourg9 d'huile cinq livres quatorze sols 5L 14s

  • le 24 Xbre8 pour trois livres de chandeles de cire blanche

    à vint six sols la livre monte trois livres dix-huit sols 3L I8s

  • pour la semaine ste et pâques quatre livres et demi de cire blanche à

    vingt six sols et huit deniers la livre monte six livres 6L

  • plus une livre de cire jaune vint trois sols 1L 3s

  • plus à la pentecôte trois livres de cire blanche monte quatre livres 4L

  • et une livre de cire jaune vint trois sols 1L 3s

  • plus le 10e juin pour d'huile vint sols 1l

  • soit 34L19s 4d 

    Charles Fabre aurait-il commis une petite erreur de calcul ? Le total fait 32 livres 78 sols et 4 deniers, ce qui devrait donner un total de 35 livres, 18 sols et 4 deniers. 

six deniersLes charges prévoyaient aussi l'entretien du matériel sacerdotal. Le 15 avril 1713, on fait accomoder le linge pour 20 sols ; en 1724, 4 sols permettent d'accomoder la serrure de la caisse.

On fait aussi, mais c'est rare, des achats : en 1704, c'est le cas d'un couteau pour couper le pain bénit et en 1717 sont achetés deux chandeliers en bois pour 15 sols et un cadre de devant l'autel, pour 3 livres et 5 sols. Chaque fois que l'on peut, on vend du matériel défectueux pour atténuer les coûts. Le 2 février 1713, l’achat d'une "clochette à sonner pour porter les sacrements" ne reviendra qu’à 6 sols car la vente de trois livres de métal d'autres petites clochettes cassées a rapporté 24 sols. De même en 1715, l'achat de la croix processionnelle et son bâton pour la grosse somme de trente deux livres, presque l'équivalent du budget annuel, ne reviendra qu'à 25 livres et demi grâce à la vente de "six livres et demi en vieux laiton de la vieille lampe".

Deux dépenses inhabituelles ont retenu mon attention, Le 25 mars 1703, la fabrique achète à maître Guilhem Bouisson, c'était le maçon, 4 cayrous à 5 sols pièce pour faire le monument. De quel monument peut-il s'agir ? Se trouve t-il dans l'église, dans le cimetière ou sur un chemin de procession comme un petit oratoire par exemple ? A toutes ces questions nous n'avons pas encore de réponses.

En 1705, les marguilliers se préoccupent de la réparation de "la presse". La somme est importante, 24 livres 19 sols et 5 deniers pour les ceintures de la presse, 50 clous pour mettre quelques barres de fer et 13 sols pour les bandes de fer. Cette information qu'il faut mettre en correspondance avec des recettes provenant de la presse dans l’autre registre, apporte une réponse à l'interrogation que j'avais soulevée dans une recherche sur les années en 5 10. La fabrique possédait bien un pressoir, outil qui devait être hors de portée financière de beaucoup de petits paysans. Au moment des vendanges, ils portaient donc contre rétribution leurs raisins à la presse et repartaient avec leur vin. Cette rétribution pouvait certainement se faire en nature puisque la fabrique vendait aussi du vin.

A noter aussi que la fabrique avait des frais de secrétariat ou de fonctionnement, pour reprendre des termes actuels. Dans la liste des dépenses de 1707 on trouve « pour le controlle et les deux feuilles de papier timbré pour les registres 33 sols » et en 1711 « plus pr le controlle des registres de trois années et dépens du voyage d'un sergent une livre. » Les registres étaient donc non seulement vérifiés mais il fallait assumer les frais de déplacement de l'agent de l'administration pour assurer le transport des documents. 

À suivre

 Notes:

  1.  Relire l'article l'église, lieu d'inhumation – septembre 2020, rubrique Histoire
  2.  En 1721, par exemple, le budget recettes du curé Molenat tient en cinq opérations, alors qu'en 1723, le curé Fabre qui est revenu, en détaille neuf.
  3.  Le luminaire est l'ensemble constituant l'éclairage et la décoration lumineuse de l'église. Les comptes de la fabrique montrent bien que lors des grandes fêtes, Pâques, Noël, Corpus Christi et Saint Étienne, le luminaire était nettement amélioré par rapport aux célébrations normales.
  4.  Il est question de Jean-François Chauvet et Antoine Chaluleau. Relire l'article De la feuille de parchemin au cahier d'écolier – 1ère partie, janvier 2021, rubrique Anecdotes
  5.  La fête de la Sainte Trinité se situe le dimanche qui suit la Pentecôte.
  6.  Il s'agit de la fête du Corpus Christi, ou fête du Saint Sacrement. Elle se situe normalement le jeudi qui suit la Sainte Trinité. Elle a été instaurée au Moyen-Age pour commémorer la présence de Jésus Christ dans le sacrement de l'Eucharistie. Au cours d'une procession dans les rues, le prêtre présente l'Eucharistie dans un ostensoir. On peut penser que cette coutume était respectée à Caramany dans la mesure où l'achat d'une croix processionnelle figure dans les comptes de la fabrique et qu'un ostensoir trône toujours dans le grand meuble de la sacristie.
  7.  A l'exception du titre du registre, Charles Fabre écrivait marguilier (avec un seul l) mais c'est bien l'orthographe marguillier que retiennent tous les dictionnaires.
  8.  C'était une habitude courante d'abréger les noms de mois en utilisant les chiffres : 7 pour septembre, 8 pour octobre 9 pour novembre, X pour décembre.
  9.  Il faut aller dans le dictionnaire de l'ancien français pour trouver le mot dour (ou dor, dur, dos, doz) qui signifie une petite mesure, une petite quantité. Jean Nicot en 1606, dans Trésor de la langue française le définit comme une espèce de mesure contenant quatre doigts qu'on représente par le poing serré. Par contre, dans le tableau de mesures de Jean Tosti, est bien répertorié, dans les mesures de capacité pour l'huile, le dourg. Il existe le dourg du Roussillon, 16,374 l, et le dourg de Latour, 14,399 l. En 1700, le Roussillon et le Languedoc étant séparés administrativement, c'est probablement celui de Latour qui s'applique à Caramany.
  10.  Les années en 5 – 1825, rubrique Histoire 

Sources :

Les sources seront mentionnées à la fin de la deuxième partie.

Photos :

miniature et photo 2: pièce de six deniers en cuivre, recto et verso, dite de Dardenne, frappée à Montpellier en 1711 sous le règne de Louis XIV. (collection personnelle)

1: Les fonts baptismaux, datés du XV ème siècle sur lesquels a officié le curé Fabre. (Philippe Garcelon)

Extraits du registre de l'oeuvre, rédigés par le curé Fabre. archives départementales