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1306: Dénombrement des feux sur ordre du Roi

Philippe IV le Bel , roi de FranceUn rouleau de parchemin1 écrit en latin et déposé aux archives nationales J896 n°13 fait de Caramany une référence en matière de recensement à la fois par son ancienneté, puisqu’il a été rédigé en 1306, et par sa précision.
Nous devons ce coup de projecteur de l’histoire à Pons de Caramany, seigneur du lieu de Caramany2, descendant de la famille qui a certainement accédé à la noblesse en prenant possession de ce fief et en même temps de son nom.

En 1305, Pons de Caramany occupe un rang important auprès du roi de Majorque, Jaume II qui lui a attribué plusieurs seigneuries en Roussillon. Pons est en effet établi dans ce royaume, sa famille ayant quitté Caramany certainement après le traité de Corbeil en 1258, qui a rattaché le Fenouillèdes au royaume de France.
Il est de toute évidence resté seigneur de Caramany puisque c’est pour donner suite à sa demande de détenir la haute justice sur ses terres de Caramany et d’Axat que le roi de France, Philippe IV le bel ordonne en 1305 un dénombrement des feux dans ces paroisses.

« Philippe, par la grâce de Dieu roi de France, au sénéchal de Carcassonne ou à son lieutenant, salut. Comme Pons de Caramany, chevalier, affirme qu’il a seulement la basse justice dans les castra³ de Caramany et d’Axat en Fenouillèdes et nous demande de lui concéder toute la haute justice sauf le rapt, l’incendie et le meurtre, nous, ne connaissant pas notre droit en cette affaire, nous vous mandons de vous informer avec diligence et soin de tout le droit que nous avons, de la valeur des villages et castra, des pertes que nous aurions en faisant droit à cette demande et de toutes les autres circonstances, par des gens bons et dignes de foi. Vous nous ferez parvenir vos conclusions, fermées sous votre sceau. Donné à Lyon ; la veille de la Saint André (soit le 29 novembre*), l’année du Seigneur 1305. »

L’année suivante, toujours en novembre (il est amusant de constater que la notion de diligence ou d’urgence n’est pas la même qu’à notre époque) le sénéchal de Carcassonne et de Béziers, noble homme sire jean de Launoy, chevalier, confie l’enquête à Etienne Bergondion, lieutenant du viguier de Fenouillèdes et de Terménès, et à Guillaume Morin, notaire de la cour de Carcassonne.

le château vers 1914Ces représentants du roi et de la loi, se rendent donc sur place. Voici leur rapport :
« Après avoir reçu les lettres, les commissaires, voulant accomplir le mandement contenu dans les lettres dudit seigneur le sénéchal, se rendirent en personne le mardi suivant à Caramany en Fenouillèdes et firent appeler devant eux les prud’hommes nommés plus bas.(6 hommes au total qui déclarent l’existence de 35 feux, riches et autres, qui donnent les limites topographiques du terroir, disent qu’ils ne se rappellent pas que les droits souverains du roi lui aient rapporté quelque chose en 30 ans*). Ils déclarèrent que le castrum de Caramany était distant des confins du royaume de France d’une lieue et pas davantage, et que la terre du roi de Majorque s’étend sur cette lieue. Ils déclarèrent que de la terre de Fenouillèdes partent trois routes par lesquelles on va de Fenouillèdes vers Perpignan ou vers le Roussillon, et que l’une de ces routes passe par le castrum…Le castrum de Caramany est situé en Fenouillèdes, entre des montagnes ; c’est un bourg clos qui appartient au chevalier, avec un bon mur de pierre autour, dentelé et assez résistant à la lance et au bouclier. D’après les déclarations des hommes du castrum et 36 instruments publics montrés et produits par le seigneur Pons de Caramany et exhibés aux commissaires, ces hommes sont les hommes du seigneur Pons, ses hommes de corps et des censitaires… Ensuite ils firent appeler devant eux chaque chef de feu du lieu qui jura sur les saints Evangiles de Dieu. »


Ce document est vraiment d’une importance capitale pour la connaissance de l’histoire de notre village. Il nous indique avec certitude le nom du seigneur, précise les limites du territoire (nous n’avons pas la traduction de cet extrait), indique que Caramany est bien un castrum, c'est-à-dire un village fortifié autour d’un château, et surtout nous apporte des renseignements sur le nombre d’habitants, le nom des chefs de famille, et leur richesse respective.


Pour plus de clarté, nous les présentons sous forme de tableau dans l’ordre de passage, en privilégiant l’orthographe occitane ou catalane des prénoms, le français n’étant pas utilisé à cette époque.

  Nom
(dans l’ordre de passage)
Prénom Richesse
(en livres)
Nombre de personnes
(par feu)
1 DEODAT Raimon 25 10
2 ESTEVE (Stéphani) Pere 1.5 2
3 FLORENTINA Raimon 20 4
4 FABRE Mateu 25 8
5 CONSTANS Guillem 15 4
6 UGET mateu 20 6
7 PALMIE Pere Guillelme sa femme 5 7
8 TRENCAVEL Joan 15 6
9 PASTOR Pere 10 5
10 CALVET Joan 5 3
11 OLIVIER ou Olier Raimon Besigada sa veuve 10 6
12 PASTOR Guillem 30 11
13 CONSTANS Bernat 18 9
14 NA SEBENTA Pere (de) 12 8
15 GNONA Guillelma 30 4
16 JOTGLAR Raimon 9.5 4
17 FABRE Bernat Bonete sa veuve 33 4
18 COMBES ou COMES Joan 25 5
19 CAMAS Pere 40 9
20 PALMIE Raimon 25 4
21 PALMIE Pere Raimon 25 6
22 FOLIA Raimon 10.5 6
23 BERTRAN Pons 5 2
24 BERTRAN Guillem 10 4
25 PASTOR Bartomeu 17.5 5
26 FELIU Arnald 25 6
27 DOMERGUE Raimon 25 6
28 CALVET Pere 22.5 8
29 AULA Raimon 20 7
30 TIXADOR Bernat Geralda sa veuve 18 5
31 EGIDI ou GILLES Guillem 5 6
32 BONEL Pere 5 4
33 BERTRAN Pere 5 4
34 SABATE Jaume 5 6
35 BORC Bérenger Guillelma sa fille 2 3
    TOTAUX 574.5 Livres 197personnes

Il est intéressant d’observer comment les commissaires ont établi leur recensement.
« Nom des feux du castrum de caramany, combien ils ont de biens et combien de personnes compte chaque feu :Raimon Déodat, après avoir juré sur les saints Evangiles de Dieu de dire la vérité,dit que ses biens tant meubles qu’immeubles, peuvent valoir dettes déduites, 25 livres tournois de bonne monnaie ; il dit aussi qu’il est le 10ème dans sa maison. »
Et ainsi de suite pour toutes les familles. Le rapport se termine de la façon suivante : « Somme des feux :35. Somme de la valeur de leurs biens au total :574L.10s. Somme de toutes les personnes dudit castrum en comptant les hommes, les femmes, les petits et les grands. 194 »
Or le total dans le tableau est de 197. Les commissaires ont-ils commis une erreur de calcul ? Ou y a t-il une erreur de copie par le traducteur. C’est une hypothèse que l’on envisage d’autant plus facilement lorsqu’on constate que deux sources différentes ayant étudié le même document ne présentent pas tout à fait les mêmes données. C’est le cas du texte présenté dans "Sources médiévales" qui diffère légèrement du relevé établi par Jean Tosti dans la revue "D’Ille et d’ailleurs". La vérité est bien sûr dans le document original. Mais il est à Paris.

Notes:

  1. Ce document a déjà été évoqué dans l’article "1342 Caramany à la frontière du royaume".
  2. Le viaduc inauguré en 1993 porte son nom.
  3. Castra est le pluriel de castrum. Vous en trouverez la définition dans l’article "1342 Caramany à la frontière du royaume".

*: Note du traducteur.

Sources:

  • Le document original a été traduit du latin par G . Brunel et E. Lalou dans Sources d’histoire médiévale IXème – milieu du XIVème siècle Paris, 1992. p187-190.
  • Le texte que j'ai utilisé est un document proposé par Clément Lenoble (ater, université du Maine) publié en 2008 sur le site "sources médiévales".Le Pari du lac remercie l’administrateur du blog pour son aimable autorisation d’utiliser ce document.
  • Jean Tosti revue "d’Ille et D’ailleurs", n°2 Caramany