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La journée tragique de l'été 1941

 C’est alors que Guiguitte se mit à évoquer l’année 1941 et plus particulièrement les deux jours dramatiques qui avaient marqué ses jeunes années, laissant 80 ans après des traces toujours vivaces. J’appris alors que la communauté villageoise avait dû faire face à trois décès en deux jours. L’événement était en soi exceptionnel puisqu’on comptait en moyenne un décès par mois, mais ce qui l’était bien plus, c’est que les deux premiers avaient pour origine un assassinat suivi d’un suicide. Et si ces faits avaient autant marqué la mémoire de la petite Marguerite Richard, alors âgée de 9 ans,  c’est qu’après avoir été touchée par l’émoi qui régnait dans le village, le 13 août, elle devait affronter le lendemain le décès prématuré de sa propre maman. En effet, Juliette Rosine Joséphine Guillemal s’éteignait le 14 août à 34 ans, laissant dans la douleur son mari, Jules Richard, et sa petite fille.

Mais que s’était-il passé la veille ?

Les actes de décès sont bien présents dans le registre d’état civil et ont été signés par Gervais Caillens président de  « la délégation spéciale ». Rappelons-nous qu’en 1941, la France était en pleine guerre et Caramany, pour une année encore, en zone dite libre ; souvenons-nous aussi que le conseil municipal élu en 1935 et présidé par Paul Gély-Fort, ancien combattant, avait été « remplacé » puisque selon les termes employés  dans l’arrêté du ministère de l’Intérieur dirigé par l’amiral Darlan,  il se trouvait « réduit à un effectif ne lui permettant pas d’assurer de façon satisfaisante la gestion des affaires communales » ; la presse nationale, elle, employait plutôt le mot de « dissolution ».  C’est donc Gervais Caillens qui a dû constater les tragiques événements et alerter certainement la gendarmerie d’Estagel.

Le chemin d'IlleVoici les faits tels qu’ils sont restés dans la mémoire de la narratrice, car ils ne figurent pas, bien sûr, sur le registre d’état-civil. Ce funeste 13 août, un jeune espagnol que tout le monde appelait Quim, abat d’un coup de fusil dans la rue (effectivement l’acte de décès ne comporte pas la mention habituelle « décédé en son domicile »), Jean Felix Joulia dit Célestin, âgé de 72 ans, époux de Justine Bourrel. Le couple habite au chemin d'Ille.  Le jeune homme quitte les lieux et rentre précipitamment chez lui, rue de la Poste. Lorsqu’on vient le chercher, ce qui laisse présager que le drame a eu des témoins ou en tout cas qu’il a été facilement identifié, les personnes présentes constatent qu’il s’est donné la mort avec la même arme.

Son acte de décès précise qu’il est né en 1918, il n’ a donc que 23 ans , et se nomme Joaquim Espana ; ce patronyme peut paraître étrange, mais c’est en tout cas celui inscrit en mairie. Les Carmagnols savaient qu’il était républicain, ce qui permet d’envisager son installation aux alentours de l’année 1939, lors de la Retirada.

Je n’ai pu savoir ce qui s’est passé entre Jean Joulia et Quim. Peut-être certains Carmagnols en ont-ils eu connaissance,  mais nous l’avons constaté à la suite de la première guerre mondiale, les malheurs sont très peu évoqués dans les familles et ceux liés à la période 1939-1945 sont encore très proches.

Il n’en reste pas moins que ceux qui ont vécu cet épisode tragique de l’année 1941 et qui ont, hélas, aujourd’hui disparu, l’ont gardé en mémoire tout au long de leur vie

Photos:

miniature: la rue de la Poste, actuellement. B. Caillens

1: la rue du chemin d'Ille en 1955. Le passage couvert qui datait du milieu du XIXe siècle a disparu. (Cliché transmis par Jean-François Daudigny)