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De la littérature catalane à l'histoire de la Turquie

Le Palau de Caramany à Girona49 400... C'est le nombre ahurissant de références que vous propose un des moteurs de recherche les plus utilisés, si vous tapez Caramany sur Internet. Et pourtant, dans la liste des communes de France, Caramany est unique. Mais, passez quelques pages (d'écran) et le mot Caramany vous emmènera rapidement de l'autre côté des Pyrénées faire la connaissance d'une grande famille de la noblesse ampourdanaise et de ses possessions. Cette famille, les Caramany, descend des premiers seigneurs de notre village, en particulier un Pons de Caramany; elle a laissé un patrimoine important : la Casa Caramany à Sant Pere Pescador, le Palau de Caramany à Girona... qui sera, je l'espère, le sujet d'un prochain article.

Mais ce que j'avais trouvé insolite, au cours de mes premières recherches, c'est de trouver des extraits d'oeuvres littéraires mentionnant "El Gran Caramany". Et ce qui les rendait encore plus insolites à mes yeux, c'est qu'ils étaient écrits en Anglais, mais, après tout, il y a bien un groupe musical anglais qui s'appelle Caramany. ( Vous pouvez le découvrir dans cette rubrique.)

D'autres extraits , ou les mêmes, en catalan, m'ont permis de comprendre qu'il s'agissait de guerriers et de batailles. Au hasard de recherches plus approfondies, je découvrais que "El Gran Caramany" était un des personnages secondaires d'un roman de chevalerie , dont le titre est "Tirant lo Blanc".

Tirant lo blancOr, ce roman a été écrit par un catalan de Valencia, lui même chevalier, Joanot Martorell. Il a été publié apès sa mort en 1490 et est considéré par certains critiques comme "le chef d'oeuvre incontesté du siècle d'or de la littérature catalane".Cervantès, l'auteur de Don Quichotte, l'a qualifié "de par son style, de meilleur roman du monde. "

L'histoire est celle d'un jeune gentilhomme breton appelé 'Tirant lo Blanc", ça ne doit pas être très courant en Bretagne, qui va se faire adouber chevalier à Londres avant d'affronter de nombreuses aventures épiques autour de la Méditerranée. Il va faire partie de l'armée catalane envoyée en Sicile pour aider Constantinople à lutter contre les Turcs. Et c'est dans ce cadre là qu'il devra livrer une bataille navale face au "Gran Caramany", venu au secours des Turcs.

J'avais d'abord pensé que l'auteur, Joanot Martorell, issu de la noblesse catalane avait eu l'occasion de rencontrer ou d'entendre parler des Caramany, membres éminemment connus de la noblesse de l'Ampourdan, et qu'ayant trouvé ce vocable original, un peu comme cela s'est passé pour le groupe anglais ou le lieutenant de police Caramany choisi par Christophe Guillaumot, il l'aurait inclus dans son oeuvre.

Et bien pas du tout! Ce qui fait l'une des originalités de "Tirant lo Blanc", c'est son réalisme et la précision avec laquelle les éléments historiques et géographiques sont utilisés. Les personnages autour du héros "Tirant lo Blanc" ont donc existé et "El Gran Caramany" aussi. Il ne restait plus alors qu'à trouver sa trace et découvrir qu'une province de l'actuelle Turquie, située dans la partie méridionale de l'Asie mineure, s'appelle, en Anglais, Karamania, traduction en Français, Karamanie. Sa capitale est Karaman et doit son nom à la tribu des Karamanides qui conquit la ville en 1250 et créa un état indépendant, le sultanat de Karamanie.¹

Joanot Martorell connaissait donc l'existence de cet état et a nommé le prince, ou l'émir selon les sources, qui le gouvernait "El Gran Caramany", en catalanisant, semble t-il son orthographe, ce qui nous ramène au nom de notre village.

Des linguistes nous expliqueront peut-être un jour comment la même appellation peut exister dans deux lieux si éloignés dans l'espace et dans le temps.

Et s'il est surprenant pour nous Carmagnols, de savoir maintenant qu'une ville turque d'un peu plus de 100 000 habitants nous est proche par le nom, il le serait certainement tout autant, sinon plus, pour un habitant de Karaman d'apprendre que tout au sud de la France un petit village de 140 administrés porte à peu près le même nom.

Et bien figurez vous que cela est arrivé. Avant de connaître 'Tirant lo Blanc", Karaman et sa province, j'avais gardé la copie d'un article paru dans un magazine belge, qui était parvenue à la cave coopérative² et que je n'avais pas d'ailleurs très bien compris.

carte de TurquieL'auteur, dont le nom n'est hélas pas cité,décrit son émotion causée par la découverte sur un rayon de supermarché, d'une bouteille étiquetée Château Mauléon Caramany.

Il explique que son père lui avait montré une vieille carte de la Karamania et que sa famille descendait de par son 4ème fils Osman, d'Ibrahim Bey, prince de Karaman en 1424.

Il a donc effectué des recherches, sur Internet bien sûr, et ainsi fait la connaissance de Caramany, à qui il attribue de nombreuses similitudes avec sa région d'origine: la vigne, les oliviers, les murailles ou le lac qui va faire disparaitre des vestiges archéologiques. On sent sa déception de ne pas pouvoir relier l'histoire de sa famille à celle de notre village. Voici deux extraits de son texte:

"L’autre jour je faisais mes achats dans une grande surface près de chez moi, une bouteille que j’ai aperçue au rayon des vins m’a très ému. Cette bouteille est vide maintenant mais si vous regardez bien son étiquette, vous serez intriguées aussi: Château Mauléon, Caramany ou, et oui, Karamanî en Turc !.. Soudain je me suis retrouvé dans ma plus tendre adolescence d’il y a déjà 60 ans: Feu notre cher papa, un arbre généalogique écrit en vieux Turc en main, nous parlait de nos ancêtres : en 1424 Ibrahim Bey est devenu Bey (Prince) de Karaman (Principauté seldjoukite d’Anatolie centrale et méridionale depuis 1228 et  intégrée par l’empire ottoman entre 1398 et 1497). A sa mort en 1464, il laissait 4 fils : Ishak, Kasim, Pir Ahmet et Osman (d’après mon père nous serions les descendants de ce dernier, d’Osman Bey).

Enfin, sous l’impulsion de ma bouteille j’ai fait des recherches sur les endroits où aurait pu vivre mon ancêtre en France et j’ai trouvé dans le Sud-Est, dans les Pyrénées orientales ; distant d’une quarantaine de kilomètre de la Méditerranée et de la frontière espagnole, environ à 90 km à l’est de la Principauté d’Andorre ; un petit village de montagne, un nid d’aigles, adossé à un rocher monumental appelé “Ker Mania”. La population de ce petit village n’est guère plus que 150 âmes : un petit village, certes, mais ayant un passé riche de plus de 7000 ans... D’après ses habitants Caramany, le nom du village, dérive du nom de ce rocher: Ker Mania. A vrai dire je fus un peu déçu en n’entendant pas le nom de ma principauté de Karaman, ni celui de mon arrière arrière grand oncle Prince Kasim dans l’histoire des origines de ce village mais je les comprends."

Et pour une fois, la phrase de conclusion s'impose d'elle même: la boucle est bouclée.

Source:

  • Wikipédia (Les traductions des sites turcs ne sont pas très au point.)


NB: Cet article m' a été communiqué par Sébastien Sales.