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Ode à l'Agly

Il est un paysage que je ne n’oublierai plus,
A quelque pas d’ici, juste au bas du village.
Verts bouquets de roseaux, inclinés par tes crues,
Refuges occasionnels des oiseaux de passage.



J’ai vu, depuis tes rives, vieux fleuve si tranquille,
Alors que je pêchais en remontant ton cours,
Profusion de barbeaux, truites, gougeons, anguilles,
Faisant de mon panier un fardeau bien trop lourd.

 

J’ai aussi entendu chahuter la marmaille,
Des enfants excités, insouciants et heureux,
Lorsque je dépassais, avec mon attirail,
La "palanque", où coulait lentement ton eau bleue.



Au-dessus du pont rose, l’ancienne bergerie,
Fut témoin de travaux des plus méticuleux.
Chercheurs et spécialistes en archéologie,
Découvraient une nécropole en ces lieux.



Mais, ce terroir réserve un trésor bien plus riche,
Que certains parviendront peut-être à déceler.
Attention, l’exercice interdit que l’on triche,
Seuls gagnent à ce jeu, ceux qui savent rêver.



Quant à elles, tes eaux eurent bien des colères,
« Historiques » dit-on, à quoi bon te blâmer ?
Allons-nous, les premiers, te jeter une pierre ?
Ou encore bien pire, te soumettre au "projet".



Dès lors, un autre chantier commence,
Implacable, il décape, il ronge, jour et nuit,
Inexorable, il creuse, il défonce, il avance,
Et vient troubler tes eaux limpides. Pauvre Agly!



Les jours me sont comptés pour profiter des lieux,
Un gigantesque corps m'interdit le passage,
Figé, inerte, froid, massif et prétentieux,
Tas de pierres inutile, autrement dit, «barrage».

 

Reparait l’homme, fourbe, avide, dérisoire,
Qui revendique un nom, pour ce qu'il a bâti,
Et lutte vainement pour un faux territoire.
Jamais, il ne m'avait semblé aussi petit.



Aujourd’hui, cette masse devient emblématique,
Qui suscite à son tour de multiples de projets.
Chacun d’eux, s’avérant tellement pathétique,
Qu’il finit poussiéreux, dans le fond d’un dossier.



Parfois, au bord du lac, je vais me promener,
Et m'arrête un instant, tout en fermant les yeux,
Pour revoir « Mon Agly » et, la gorge serrée,
Jurer de ne jamais revenir en ces lieux.


Photos: Philippe Garcelon